Livre de copies de lettres de Charles Hutchinson, 1878-80
page entre 697 et 698

24 février 1880

J. G. Scott,
Bureau du procureur général, Toronto

Monsieur,

Objet : affaires des Donnelly

J’ai l’honneur d’accuser réception de votre communication du 23 courant, et en réponse à votre demande à savoir s’il est probable que la couronne puisse traduire les accusés en justice lors des prochaines séances d’assises, tout ce que je peux dire à présent, c’est qu’il y a peu d’espoir de préparer des arguments irréfutables en si peu de temps. Je voulais vous écrire à ce sujet et sur le renvoi de la cause devant une autre juridiction dès que je me serais fait une opinion réfléchie sur la quantité et la valeur des témoignages que nous pourrons obtenir. Je serai plus à même de juger de cela après la conclusion des enquêtes préliminaires devant les magistrats. Elles commencent samedi et se poursuivront jeudi prochain et les jours suivants. Vous avez probablement lu le rapport de [l’interrogatoire] du jeune O’Connor, qui est très bien reproduit dans le Globe. Je pourrai corroborer son témoignage en quelques points, mais non dans une large mesure. Il y aura amplement de preuves quant au mobile et certains faits seront portés en preuve pour désigner quels accusés sont coupables. Leur valeur pourra être mieux évaluée une fois que les témoins auront été entendus. Jusqu’ici, l’affaire repose entièrement sur le témoignage du jeune O’Connor. Je suis certain qu’il dit la vérité au mieux de sa connaissance et qu’il a effectivement reconnu Carroll. Il a eu toutes les chances pour cela, mais il est possible qu’il se trompe quant à Ryder et Purtell. Il n’a jeté qu’un rapide coup d’œil depuis sa cachette, quand il les a vus ou a pensé les avoir vus, et à un moment où il devait être bien agité. Le garçon est très intelligent, et a bien raconté son histoire, sans se laisser déconcerter ni entrer dans des contradictions lors du très long contre-interrogatoire. Il doit y avoir au moins 100 personnes à Biddulph qui en savent plus ou moins long sur ces meurtres, pourtant il est impossible d’obtenir des témoignages. Personne ne sait quoi que ce soit. Même les amis des Donnelly demeurent en retrait. Les prévenus n’ont rien dit et ne diront rien. Le temps pourrait avoir quelque effet, mais il n’y en aura certainement pas assez pour opérer un changement entre ces assises et les prochaines. Je suggère de laisser retomber la poussière le plus possible puis de se procurer à distance, afin d’éviter qu’il soit reconnu, les services d’un détective catholique irlandais. Il devra s’installer à Biddulph pendant un certain temps, et user des moyens que son jugement et son expérience lui dicteront pour obtenir des témoignages. Cela devrait être fait à temps pour les assises d’automne. Pendant ce temps, les personnes qui pourraient être mises en accusation devront être détenues en garde fermée. Il y a toujours le risque que l’une ou plusieurs d’entre elles s’évadent pendant un long emprisonnement. Quant au renvoi de la cause devant une autre juridiction, j’aimerais considérer un peu plus la question avant de me prononcer. Il y a des raisons pour et contre, et comme il s’agit d’un grand comté, il y a des chances qu’en faisant une longue pause, nous puissions obtenir un jury impartial. Parallèlement, il ne fait aucun doute que par tous les moyens, on cherche ou cherchera à enflammer l’opinion publique contre les Donnelly. Ils ont été accusés de tous les crimes non résolus commis à Biddulph des années auparavant, et les journaux n’ont pas manqué de faire circuler lettres et entrefilets truffés de mensonges, au détriment de cette malheureuse famille. Si le procès est reporté jusqu’à l’automne, je présume que pour le moment nous pouvons laisser de côté la question du renvoi de la cause devant une autre juridiction. J’ai eu le plaisir de voir M. Magee dimanche, lorsque nous avons parlé de ces questions. Son opinion correspond à la [mienne] quant à l’opportunité de reporter le procès jusqu’à l’automne. M. Magee doit rester à la maison pour quelques jours. Je vous écrirai de nouveau une fois les interrogatoires terminés, qui seront sans doute rapportés dans le Globe. Nous serons alors plus en mesure de nous prononcer sur ce qui devra être fait.

Votre dévoué serviteur,
Charles Hutchinson, procureur local

Source: J.J. Talman Regional Collection, University of Western Ontario Archives, Donnelly Family Papers, B4878, File 12, Charles Hutchinson, Charles Hutchinson Letter Book, février 24, 1880.

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