POUR LE CLERGÉ D’IRLANDE SEULEMENT.

CONSÉQUENCES FUNESTES DE L’ÉMIGRATION MASSIVE ET IRRÉFLÉCHIE D’IRLANDAIS.

Les Irlandais, en venant en si grand nombre en Amérique et n’étant absolument pas préparés à s’établir dans un nouveau pays, causent aux évêques, aux prêtres et aux missionnaires de ce continent une vive inquiétude et un profond chagrin; c’est qu’ils voient leur dégradation sociale et la désolation de leurs âmes et de celles de leurs enfants comme les résultats inévitables de leur geste déplorable. Les Allemands, les Français et même les Norvégiens ont les moyens de s’établir au moment de leur arrivée, tant comme fermiers que comme mécaniciens; mais la grande majorité des Irlandais sont sans le sou quand ils arrivent; ils ne peuvent donc pas atteindre l’intérieur du pays et sont obligés de se trouver des logements bon marché dans les villes – et tout le monde sait que de tels endroits sont des lieux de perdition. Par conséquent, eux et leurs enfants se détournent de la morale, de la société, de la religion et même de Dieu. Cette dégradation commence avec la rupture des liens et des souvenirs heureux et sacrés de leur patrie, l’absence de l’œil vigilant du curé, de la paroisse , de l’exemple édifiant de voisins habitués de l’église et des sacrements, ainsi que la perte d’une saine influence. Cela fend le cœur de voir ces immigrants qui arrivent sur nos quais, entourés d’escrocs – les harpies de la ville – qui doivent être relégués, tels une pluie torrentielle, aux égouts de la société! C’est pourquoi les hôpitaux, les asiles de pauvres et les prisons des États et, dans une large mesure, du Canada, accueillent plus que leur quota d’Irlandais ou de leurs descendants. À bord du bateau qui amène les immigrants, hommes et femmes sont entassés les uns sur les autres, les frontières de la modestie éclatent, ce qui mène, dans des milliers de cas, à la décadence. Combien de larmes ces émigrants ont-ils versées pour avoir quitté leur patrie! Combien d’imprécations ont-ils proférées sur contre ceux qui les ont conduits loin de leur patrie!

Prenons Toronto, par exemple, et voyons comment y vivent les émigrants irlandais. Les statistiques qui suivent, publiées par le Journal of Education de cette ville, viennent illustrer ces observations :

TAUX DE CRIMINALITÉ À TORONTO EN 1863.

Nombre d’arrestations. – Le nombre d’arrestations effectuées par la police au cours de l’année 1853 [1863] était de 4124 par rapport à 4544 en 1862, une diminution de 420. De ce nombre, 2787 étaient des hommes et 1387 étaient des femmes, ce qui montre une formidable diminution de la criminalité, puisqu’il y a eu 420 arrestations de moins en 1863 qu’en 1862.

Âge des infracteurs. – Les données suivantes sont les âges des infracteurs de dix ans ou plus : de 10 à 15 ans, 88 hommes et 5 femmes; de 15 à 20, 47 hommes et 2 femmes; de 20 à 30, 994 hommes et 536 femmes; 30 à 40, 800 hommes et 408 femmes; 40 à 50, 540 hommes et 230 femmes; 5 [50] à 60, 234 hommes et 97 femmes; 60 à 70, 70 hommes et 21 femmes; 70 à 80, 9 hommes et 1 femme; 80 à 90, 4 hommes; 90 à 100, 1 homme. Total : 4124.

Pays d’origine. – Irlande, 1424 hommes et 998 femmes; Canada, 469 hommes et 113 femmes; Angleterre, 422 hommes et 126 femmes; Écosse, 172 hommes et 46 femmes; États-Unis, 73 hommes et 24 femmes; Allemagne, 32 hommes; Noirs, 69 hommes et 29 femmes; autres pays, 8 hommes.

STATISTIQUES PÉNITENTIAIRES ANNUELLES DE TORONTO.

Les déclarations qui suivent indiquent le nombre de détenus incarcérés à la prison des Comtés unis de York et Peel au cours de l’année 1863, en provenance des comtés ou de la ville :

Comtés—criminels, hommes, 54; femmes, 8; contrevenants, hommes, 55; femmes, 56; total d’hommes, 856; id. femmes, 63. Ville—criminels, hommes, 184; id. femmes, 55; contrevenants, hommes, 672; id. femmes, 874; total d’hommes, 856; id. femmes, 932. Le nombre total de prisonniers hommes ou femmes provenant d’un comté ou de la ville en 1863 était de 1961, une diminution de 120 prisonniers par rapport au total enregistré en 1862.

Pays d’origine – Les pays d’origine des prisonniers étaient : Angleterre, hommes 175, femmes 74—total, 249; Irlande, hommes 465, femmes 703—total 1 168; Écosse, hommes 62, femmes 35—total 97; Canada-Ouest, [hommes] 155, femmes 93—total 248; Canada-Est, hommes 33, femmes 38—total 71; États-Unis, hommes 66, femmes 40—total 106; Allemagne, hommes 7; autres pays, hommes 9, femmes 12—total 21.

[...] Le curé en exerciceLe prêtrecuré par interimintérimaire de la paroisse de Montréal nous a appris que cette ville était relativement chaste, jusqu’aux années 1852-53, alors qu’on retira bon nombre de filles des asiles de pauvres d’Irlande pour les disperser à travers les villes. Elles étaient exposées sur les places publiques pour être engagées, comme le sont les esclaves dans de nombreuses régions du Sud. Un grand nombre de bonnes et charitables familles les employèrent; mais ces pauvres filles, à qui on n’avait pas appris le travail ménager—que seules les bonnes mères dans l’aisance peuvent inculquer—ignoraient tout des tâches domestiques; elles perdirent bientôt leur position et se retrouvèrent dans des centaines de maisons closes. On nous a dit que nombre d’entre elles étaient enciente à leur arrivée. C’est donc que le système d’asiles irlandais encourage les tendances les plus dégradantes et immorales—il se classe immédiatement après les maisons dont c’est la mission—si l’on juge l’arbre par ses fruits. Il est humiliant, en fait, de voir toutes ces filles irlandaises pauvres, innocentes et candides, assises un peu partout dans ces immenses dépóts dans les villes portuaires, attendant d’être engagées. Hommes et femmes y entrent et cherchent la fille qui semble pouvoir répondre à leurs exigences. Dieu seul sait combien d’entre elles trouvèrent refuge chez un loup! Une fille irlandaise abandonne tout espoir d’accéder un jour à une vie honorable, même après une chute involontaire; alors que l’on sait que ce n’est pas le cas des femmes d’autres pays. Par conséquent, les filles irlandaises se considèrent si avilies et méprisables que, dans leur désespoir, elles foncent tête baissée vers leur perte.

[...]L’immigration des gens pauvres de toute patrie, sans moyens, sans protection, sans guides, comme celle qui provint de l’Irlande pendant plusieurs années, est sans pareille dans les annales de l’histoire. Plusieurs d’entre eux, grâce à la grande miséricorde de Dieu, ont amélioré leur condition, du moins sur le plan matériel, et ont répandu leur foi à travers le territoire, mais hélas! si tous les Irlandais, ainsi que leurs descendants, avaient entretenu cette foi, le nombre de catholiques en Amérique serait, au bas motdans le pire des casau bas mot, le double de ce qu’il est aujourd’hui. Si les Irlandais avaient pu profiter de justes lois dans leur patrie, s’ils avaient reçu une juste rémunération pour leur travail, avaient émigré graduellement et s’étaient préparés, les malheurs que nous avons signalés ne seraient pas survenus; les Irlandais seraient, comme autrefois, heureux et satisfaits chez eux, et pieux et prospères à l’étranger. La persécution religieuse produit des martyrs, mais la persécution et l’oppression sociales des pauvres ruinent les âmes. [...]

Extraits d’une lettre de l’évêque de Toronto adressée à la hiérarchie irlandaise.

Je ne voulais pas dire que les Irlandais adultes venant habiter ce pays formaient une autre soi-disant confession religieuse, mais si tous les enfants, et les descendants des Irlandais avaient entretenu la foi de leurs pères, nous aurions deux fois plus de catholiques.

Source: Public Archives of Ontario, Pamphlet, No. E, No. 17, Unknown, "The Evils of Wholesale and Improvident Emigration from Ireland," ca. 1863.

Retour à la page principale