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Réflexion sur les procédures criminelles en Angleterre et en France.

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En France, la peine contre les faux témoins est capitale ; en Angleterre, elle ne l'est point. Pour juger laquelle de ces deux lois est la meilleure, il faut ajouter : En France la question [torture] contre les criminels est pratiquée, en Angleterre elle ne l'est point ; & dire encore : En France, l'accusé ne produit point ses témoins, & il est très rare qu'on y admette ce que l'on appelle les faits justificatifs ; en Angleterre, l'on reçoit les témoignages de part & d'autre. Les trois loix Françoises forment un système très-lié et très-suivi ; les trois loix Angloises en forment un qui ne l'est pas moins. La loi d'Angleterre, qui ne connoît point la question [torture] contre les criminels, n'a que peu d'espérance de tirer de l'accusé la confession de son crime ; elle appelle donc de tous côtés les témoignages étrangers, & elle n'ose les décourager par la crainte d'une peine capitale. La loi Françoise, qui a une ressource de plus, ne craint pas tant d'intimider les témoins; au contraire, la raison demande qu'elle les intimide : elle n'écoute que les témoins d'une

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part ; ce sont ceux que produit la partie publique ; & le destin de l'accusé dépend de leur seul témoignage. Mais en Angleterre on reçoit les témoins des deux parts : & l'affaire est, pour ainsi dire, discutée entr’eux ; le faux témoignage y peut donc être moins dangereux ; l'accusé y a une ressource contre le faux témoignage, au lieu que la loi Françoise n'en donne point. Ainsi, pour juger lesquelles de ces deux loix sont les plus conformes à la raison, il ne faut pas comparer chacune de ces loix à chacune ; il faut les prendre toutes ensemble, & les comparer toutes ensemble.

Source: Secondat Baron de La Brède et de Montesqieu, Charles-Louis de, "Réflexion sur les procédures criminelles en Angleterre et en France, dans De l'esprit des loix" (Amsterdam et Leipsick: Nouvelle édition, revue, corrigée et considérablement augmentée par l’auteur [...], Chez Arkstée et Merkus, n.d.), T. 3, L. 29 p. 308-9.

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