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Mémoire pour servir d’instruction au sieur Marquis de Beauharnois, gouverneur et lieutenant-général de la Nouvelle-France, 7 mai 1726.

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Mémoire

pour servir d’instruction au Sieur Marquis de Beauharnois Gouverneur et lieutenant general de la Nouvelle france. A Versailles le 7 May 1726.

Sa Majesté est persuadée que le Sieur Marquis de Beauharnois qu’elle a choisy pour Gouverneur et son Lieutenant general en la nouvelle france a toutes les qualités necessaires pour gouverner les vastes pays et les peuples differens qui sont confiés a Ses soins.

Les nations sauvages qui les habitent exigent de luy une prevoyance et une attention continuelle pour les faire vivre en paix, et pour empescher les Nations de l’Europe qui habitent dans le meme continent de penetrer chez elle et d’y faire un Commerce qui jusqu’a present a appartenu a la france, il luy faut de la fermeté pour maintenir les possessions de la france contre ces voisins qui cherchent depuis longtems a empietter.

Il est necessaire de joindre a cette fermeté, de la douceur et de la justice, et du desinterressement pour gouverner les francois habitans dans la Colonie, lesquels sont plus enclins a aller courir dans les bois, et a y vivre comme les Nations sauvages, que de cultiver leurs terres et d'y etre sedentaires.

Pour reussir dans toutes ces differentes parties il doit avoir pour premier objet, et c’est celuy que sa Majesté desire qu’il remplisse avec plus d’application, de satisfaire a ce qui regarde la religion dont depend la benediction qu’on doit attendre du Ciel, sans laquelle rien ne peut avoir d’heureux Succès, Sa Majesté veut que le Sieur Marquis de Beauharnois employe particulierement l’authorité qui leur est commise a contribuer autant qu’il Sera en son pouvoir a ce que Dieu soit Servy dans toute La Colonie, et que la Religion Chrestienne S’etende sur tous les Sauvages

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il doit pour cet effet donner toute sorte de secours aux Missionnaires, aux Jesuites et aux Religieuses qui travaillent au Salut des ames, en se conduisant en cela de maniere qu’il evite de faire naitre entr’eux aucune jalousie.

Sa Majesté veut qu’il conserve une parfaite intelligence avec le Sieur Evesque de Quebec qu’il lui donne toute sorte de secours et de protection en tout ce qui regarde ses fonctions et qu’il contribue par ses soins et son application a tout ce qui peut regarder le bien spirituel de la Colonie sans neantmoins aller en rien au dela de ses fonctions a cet egard ny faire rien de son chef et sans la participation dudit Sieur Eveque, il lui sera d'autant plus facile de concourir avec luy au bien spirituel de la Colonie que ledit Sieur Eveque etant d’une pieté exemplaire Sera tres aisé d’agir de concert avec un Gouverneur qu'il trouvera tres bien disposé pour tout ce qui regarde le culte de Dieu, il veillera cependant que ledit Sieur Eveque ne porte l’authorité Ecclesiastique plus Loin qu’elle ne doit aller, et en cas quil voulu l’entreprendre, Il luy representera ce qu’il croira capable de l’en empescher, et en rendra compte a sa Majesté afin qu’elle y porte le remede quelle jugera apropos.

Apres ce qui concerne le service de Dieu, la principale occupation du Sieur Marquis de Beauharnois doit etre de maintenir les peuples dans le respect et l’amour qu’ils doivent naturellement avoir pour la personne de Sa Majesté dans l’obeissance aux Gouverneurs et dans la dependance des Loix, a quoy il n’aura pas de peine par la disposition naturelle que les francois ont a Satisfaire a toutes ces obligations, et par ce que Sa Majesté compte que gaignant l’esprit de Ses sujets dans l’etendue de son Gouvernement il Scaura les porter a ce qui est de leur devoir, par la confiance qu’il s’etablira parmy eux.

Sa Majesté lui recommande de vivre en bonne intelligence avec le Sieur du Puy Intendant, elle leur fait expliquer par une depesche particuliere les fonctions qui les regardent separement, et en commun.

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Il y verra que c’est a l’Intendant a faire les fonctions de President du Conseil Superieur, comme de recueillir les voix, prononcer les arrests et faire generalement tout ce que les premiers Presidents font dans les Parlemens du Royaume. Sa Majesté ne doute pas que le dit Sieur Marquis de Beauharnois ne laisse l’administration de la justice aux officiers qui sont commis pour la rendre, ne voulant pas qu’il se mesle d’autres choses a cet egard que de donner les ordres qui luy Seront demandés pour l’execution des jugemens dudit Conseil Superieur, en agissant sur ce fait comme sur tout autre de concert avec l’Intendant qui a ordre de conserver pour lui la deferance deue a sa qualité de Gouverneur.

Sa Majesté n’estime pas necessaire de l’avertir qu’il doit se contenter lorsqu’il assistera au Conseil dans la premiere place qu’il doit y occuper, de ne se Servir que de raisons et jamais d’authorité pour porter les officiers qui le composent a donner leur voix.

Si la justice qu’il doit faire regner parmy les habitans de Canada est un des principaux moyens de leur faire gouter les douceurs et le repos necessaire pour le maintien de cette Colonie, l’augmentation du Commerce en est une autre qui ny contribue pas moins, ainsy il doit fortement s’occuper a le faire fleurir par les voyes qui peuvent y concourir, l’Etablissement des Peuples sedentaires est un des meilleurs moyens de procurer l’employ des sujets du Canada, et d’attirer les richesses dans la Colonie, il est necessaire qu’il les appuye de son authorité et qu’il donne a ceux qui les entreprendront le secours qui pourroit dependre de luy. [...]

Source: France. Archives nationales, Fonds des Colonies. Série C11A. Correspondance générale, Canada, vol. 125, fol. 393-394, [Ministre de la Marine], Mémoire pour servir d’instruction au sieur Marquis de Beauharnois, gouverneur et lieutenant-général de la Nouvelle-France, 7 mai 1726.

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