Le climat estival dans l’Atlantique Nord aux environs de l’an 1000

Vers les années 1000, le climat estival permettait de percevoir que les régimes dépressionnaires s’étaient déplacés d’environ 7° vers le nord, atteignant presque le 70e parallèle, mais qu’ils s’étaient déplacés un peu plus au sud dans l’Atlantique Ouest. Les températures étaient plus élevées qu’au vingtième siècle (1900-1939), atteignant presque les sommets atteints lors des plus chauds étés des années 1930 et 1940 (1933, 1934, 1935, 1940, 1942, 1943, 1945, 1947, 1949, 1959). Pour ainsi dire, le climat s’était réchauffé pendant les deux cents années précédentes. Les vents de l’ouest étaient plus faibles et moins dominants entre les 40e et 60e parallèles. Il y avait plus d’ensoleillement et la banquise arctique couvrait une région beaucoup plus petite et était confinée au nord du 80° nord.

Le climat le long de la voie maritime en provenance de la Norvège.

La navigation sur l’Atlantique Nord se faisait plus facilement à cette époque, car les orages violents étaient plutôt rares et le Groenland était exempt de storis, glace polaire qui, aujourd’hui, entrave la circulation maritime le long de la côte est et de la partie sud de la côte ouest. La voie maritime vers le Groenland suivait plus ou moins le 61e parallèle (voir l’article de Søren Thirslund) La section maritime.

La température à la surface de la mer et la température de l’air dépassaient de quelques degrés celles d’aujourd’hui.

En partance de la Norvège, durant la première partie du voyage, le vent dominant venait de l’ouest, mais il changeait au sud lorsqu’on arrivait près de l’Islande, pour revenir à l’ouest et même au nord-ouest, en arrivant au Groenland. Des changements dans la direction du vent survenaient fréquemment, car le vent d’ouest, dont il a été question plus haut, était moins dominant et plus faible que celui qu’on connaît aujourd’hui. La couverture nuageuse était moins dense qu’aujourd’hui, rendant les conditions plus favorables pour l’utilisation du compas solaire décrit par Søren Thirslund. Conséquemment, on pouvait calculer la déviation provenant du compas primitif, leiðarsteinn ou pierre d’aimant, que les Scandinaves du treizième siècle connaissaient (Hauksbók), mais Abrahamsen (1985) a démontré que les compas étaient utilisés au Danemark au début du douzième siècle et Scheen (1972) a allégué que les Norvégiens avaient utilisé le leiðarsteinn dès 868 lors d’une expédition en Islande). Au Danemark, vers l’an 1000, la déviation était d’environ 27° est et elle était beaucoup plus importante dans l’Atlantique Nord. Il était donc essentiel de pouvoir voir le soleil à intervalles réguliers afin de vérifier la déviation à l’aide du compas solaire.

Le climat au Groenland

Le réchauffement graduel qui a eu lieu au cours des deux siècles précédents aurait réduit la banquise arctique à un tel point que la banquise permanente aurait été confinée au nord du 80e parallèle et que la storis (glace polaire) était inexistante. La glace polaire est la banquise arctique qui voyage le long de la côte du Groenland, qui double le cap Farewell et qui continue le long de la côte ouest se rendant parfois aussi loin qu’au nord de Nuuk. Le courant du Labrador était libre de glace et plus faible qu’aujourd’hui. Il est même probable que la banquise dans l’archipel Arctique canadien ait été inexistante si on se fie sur les études qui ont été faites sur les îles de glace de l’Arctique qui à l’époque formaient la barrière de glace (c’est-à-dire la progression en mer d'un glacier par l'accumulation de la neige et le gel de l'eau de mer) de l’île d’Ellesmere, car on estime l’âge de la glace à moins de 620 ans et qu’avant, la glace fondait. Lors de la récente période clémente qui a eu lieu dans les années 1930 et 1940, l’augmentation de l’activité dépressionnaire le long de la côte ouest du Groenland est principalement survenue près d’Upernavik, qui est par conséquent devenue la station météorologique qui a connu la plus grande hausse de température depuis la période de froid précédente. L’augmentation de la température est plus grande en hiver alors que les vents violents se mélangent à l’air plus chaud avec des couches d’air froid près de la surface de la terre (Frydendahl, 1989). Puisque la période chaude qui a particulièrement caractérisé cette époque a duré plus longtemps que celle du vingtième siècle, l’activité dépressionnaire a dû s’étendre plus au nord qu’Upernavik et s’est probablement étendue jusqu’à la région où habitaient les Thulé. Les mers entre le Groenland et l’île Ellesmere étaient libres de glace. Si la carte du Vinland est authentique, il devait y avoir si peu de glace qu’il était possible de naviguer autour du Groenland. Nous ne savons pas si les Vikings l’ont fait ou si ce sont les Inuits qui leur en ont parlé.

Les racines des plantes et les tombes vikings trouvées profondément dans le sol au sud du Groenland, qui est maintenant du tjaele (pergélisol ou sol en état de gel permanent), indiquent que la température moyenne annuelle devait être de 2 à 4 degrés supérieurs à celle d’aujourd’hui. Il est possible d’estimer la température estivale en lisant le récit de Thorkel Farserk dans le Landnámabók (985-1000). Il y est écrit qu’il a nagé jusqu’à Hvalsey (dans le Hvalseyfiord) dans le but d’aller chercher un mouton pour offrir en festin à son cousin, Eirik le Rouge. Pour établir une comparaison, Dr Pugh du Medical Research Laboratories en Angleterre a établi, suivant des études sur les nageurs qui traversent la Manche et autres, que la température la plus basse que pouvait endurer un homme qui n’avait pas subi un entraînement spécial était de 10°C, même s’il était gras. La température moyenne de l’eau au mois d’août dans les fjords le long de la côte dépasse rarement les 6°C. À l’époque de Thorkel, la température de l’eau devait donc être d’au moins 4° plus chaude et elle était probablement plus chaude encore. Les températures estivales (de l’air) dans les fjords du sud du Groenland auraient alors été probablement d’environ 13-14°C (comparativement aux 8-10°C d’aujourd’hui), et dans le fjord de Godthaab, elle devait se situer aux environs de 12°C, avec une saison des cultures évidemment plus courte. Plus au nord, près de la baie de Melville, les températures estivales auraient oscillé autour de 9-10°C, comparativement aux 3-5°C que l’on connaît aujourd’hui.

Le long de la cote sud-est du Groenland, les vents du nord-est étaient dominants. Dans le sud-ouest, les vents venaient du sud-est près de la côte, mais du nord-ouest plus loin dans le détroit de Davis. La richesse des pâturages vers l’an 1000 suggère cependant qu’il devait y avoir des vents de l’ouest qui apportaient l’humidité à cause des hautes températures en mer. Plus haut, le long de la côte ouest, les vents provenaient du sud, alors que sur le côté canadien du détroit (île de Baffin, etc.), les vents venaient du nord ou du nord-ouest. Donc, en choisissant des routes maritimes à des distances plus ou moins grandes de la côte, il est possible de trouver des vents et des courants favorables.

Le climat le long de la route du Vinland

En navigant entre le Groenland et Terre-Neuve, les marins de l’ère viking ont profité de deux avantages climatiques importants par rapport aux conditions qui existent aujourd’hui. Il n’y avait pas de glace à la dérive et les orages violents étaient très rares. De plus, l’air et l’eau étaient plus chauds qu’ils ne le sont aujourd’hui.

Du côté canadien du détroit de Davis, le vent dominant vient du nord-ouest et le courant (celui du Labrador) provient aussi de cette direction. La direction du vent reste constante jusqu’à mi-chemin le long de la côte nord-est du Labrador où les vents commencent à virer à l’ouest. Cette direction se maintient jusque dans les environs du détroit de Belle Isle, où la direction dominante du vent tourne au sud-ouest. Les Vikings ont navigué le plus souvent avec ce vent du sud-ouest et ils sont allés aussi loin au sud qu’ils ont pu naviguer le long de la côte est de l’Amérique du Nord. Tel que mentionné auparavant, cependant, les vents de l’ouest étaient plus rares et plus faibles entre le 40e et le 60e parallèles, même si on pouvait tout de même les appeler des vents dominants. Le courant du Labrador était à cette époque un courant océanique froid et cela pourrait expliquer pourquoi la baie d’Ungava et le nord du Labrador n’ont pas connu le réchauffement climatique survenu non seulement au Groenland et en Amérique du Nord, mais aussi dans le nord du Canada où des vestiges de forêts ont été trouvés de 25 à 100 km au nord de la limite forestière courante. La température estivale était la même qu’aujourd’hui (station Nain en été : 8,2°C) presque la même qu’à Ivigtut (8,8°C) mais le printemps était beaucoup plus froid et le mois d’août, plus chaud.

La frontière entre la toundra et la forêt a donc été relativement stable le long de cette côte au cours des trois derniers millénaires. Les Vikings du Groenland ont dû aller au sud de Nain pour trouver des forêts qui pourraient fournir le bois dont ils avaient besoin.

Le climat au Vinland

Le climat estival à l’extrémité nord de Terre-Neuve était le résultat de son emplacement dans la zone des vents de l’ouest et du courant du Labrador qui passait près des côtes nord et est de l’île. Les vents d’ouest entre le 40e et le 60e parallèles n’étaient alors cependant pas aussi dominants et ils étaient plus faibles; de plus, le courant du Labrador était plus chaud, avec moins de glace et probablement plus faible. Le Gulf Stream, qui passe près de Terre-neuve et qui exerce une grande influence sur le climat, passait probablement plus près de l’île qu’il ne le fait aujourd’hui. Il était certainement plus chaud à L’Anse aux Meadows – Vinland – vers l’an 1000 que maintenant. Prudemment, on pourrait supposer que la température estivale oscillait autour de 16°C en moyenne (ce qui est presque similaire à celle du Danemark), mais avec cette grande différence que l’été y était plus court et que le printemps était froid. La température hivernale était probablement plus chaude de quelques degrés qu’aujourd’hui.

En moyenne, l’endroit aurait donc été plus chaud et moins venteux, mais la proximité des courants océaniques chauds et froids aurait causé de grandes variations climatiques au fil des ans, selon le courant le plus près de la terre. Le climat aurait cependant été beaucoup plus agréable et avantageux pour les humains, le bétail et les arbres qu’il ne l’est aujourd’hui.[…]

Références

Frydendahl, K.: Global og regional temperaturudvikling siden 1850. Danish Meteorological Institute. Scientific Reprt, 89-6. Københaven 1989.

Scheen, R.:Navigation og manøvrering. In Fra mast til køl, p. 224-225. Gøteborg 1963, Københaven 1972.

Thirslund, Søren & C.L. Vebæk: The Viking Compass, Skjern 1992.

Source: Knud Frydendahl, "Le climat estival dans l’Atlantique Nord aux environs de l’an 1000" in Viking Voyages to North America, Birthe L. Clausen (Denmark: Kannike Tryk A/S, 1993), 90-94.

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