Metepenagiag : le plus vieux village du Nouveau-Brunswick

L’archéologie

Red Bank, situé sur la rivière Miramichi Nord-Ouest, compte au kilomètre carré le plus grand nombre de sites archéologiques préhistoriques des provinces maritimes. On en trouve un grand nombre au confluent de la rivière Miramichi Nord-Ouest et de la petite rivière Miramichi Sud-Ouest. De vieux campements de longueurs variant entre 10 et 500 mètres (environ 30 à 1500 pieds) occupent les rives à proximité des meilleures zones de pêche. À cet endroit, des chenaux profonds composent le littoral et la rivière se transforme en un estuaire où l’eau douce rencontre l’eau salée. Les archéologues n’ont pas le choix : s’ils veulent connaître les limites territoriales exactes d’un campement, ils doivent effectuer des relevés précis. Et ces relevés sont d’autant plus importants lorsqu’il s’agit de déterminer la superficie d’une haute terrasse située entre deux rivières.

Depuis 2 500 ans, des populations ont habité la majorité des anciens villages ou campements de Red Bank. Au moins trois de ces villages présentaient un très grand territoire. Bien que peu de traces au sol subsistent pour délimiter l’emplacement de ces anciennes communautés, la composition du sous-sol révèle des renseignements précis. Sur les sites vierges de toutes recherches, les couches de charbon et de débris domestiques constituent les anciens planchers de terre des habitations. Ces emplacements étaient souvent très achalandés. On peut y déceler des restes de feux de camp, plusieurs foyers pour la cuisson et des traces d’habitations et de séchoirs à nourriture. Il y a des étals pour la boucherie et des ateliers de fabrication d’outils. Les artefacts trouvés dans les vieux villages incluent des pointes de flèches, des grattoirs, des couteaux et des haches. On a aussi trouvé des milliers de fragments de pierre, des morceaux de marmites en argile et des pierres noircies par le feu.

De plus, les relevés archéologiques des plus hautes terrasses entourant Red Bank ont mis au jour plus de soixante grandes fosses servant d’entrepôts à provisions et qui datent d’au moins 1200 ans. Ces caves, certaines mesurant plus de deux mètres de profondeur (plus de six pieds) et quatre ou cinq mètres (12 à 16 pieds) de diamètre, ont été creusées dans du gros gravier pour maximiser le drainage de l’eau. Les travaux archéologiques réalisés dans une cave suggèrent que les fosses étaient protégées par des toits faits d’écorce ou de gazon. […] Des fouilles révèlent qu’aujourd’hui le sol ne fournit aucune trace visible de plusieurs fosses.

L’âge, le nombre, la grandeur et le type de sites archéologiques démontrent clairement que Red Bank était un centre social et culturel important pour les ancêtres des Micmacs de Miramichi. En 1977, on a découvert le plus grand et le plus profond des villages préhistoriques jamais identifiés dans les Maritimes. Le site d’Oxbow est situé sur la petite rivière Miramichi Sud-Ouest à moins de un kilomètre de la communauté actuelle de Red Bank.

Le style de vie

Il y a 2000 ans, une large population Micmaque passait les chauds mois d’été dans plusieurs grands villages de Metepenagiag. De plus, ces derniers avaient déjà été occupés par des petits groupes d’habitants. Selon les époques, les contacts avec leurs voisins du sud-ouest semblent avoir influencé les styles d’artefacts. Malgré cela, le style de vie des Micmacs de Miramichi est resté à peu près le même pendant 2000 ans.

Les os de saumons et d’esturgeons de l’Atlantique trouvés dans les feux de camp d’Oxbow et dans les âtres (foyers) de sites avoisinants nous apprennent que l’activité principale des habitants de Metepenagiag était la pêche. Les résultats des fouilles de près d’une centaine de feux de camp au site d’Oxbow montrent qu’une infime partie seulement ne contenait pas d’arêtes de poissons brûlés. Lors des fouilles de 1984, seul un foyer sans arête a été trouvé! De plus, tous les plus grands villages de Metepenagiag, incluant Oxbow, étaient situés près d’excellentes zones de pêche.

À l’époque des anciens Micmacs, la rivière Miramichi devait littéralement regorger de poissons. Au dix-septième siècle, Nicolas Denys écrivait : « Si le grand nombre de pigeons nous a dérangés, les saumons, eux, nous ont causé encore plus d’ennuis. La rivière est tellement poissonneuse qu’il est impossible de dormir la nuit à cause du bruit de fond des saumons retombant à l’eau après s’être élancés ou projetés dans les airs. »

La vie des Metepenagiags était centrée sur la pêche. Le poisson frais était la nourriture principale durant les mois d’été et il était soumis à un procédé de conservation pour l’hiver. Les rations excédentaires de poisson séché ou salé étaient échangées au marché local et régional. En plus de la montaison du saumon et de l’esturgeon, les pêcheurs profitaient de celle de l’éperlan, du gaspareau, de l’alose et du bar d’Amérique. En hiver, Red Bank accueillait des essaims de petites morues en fraie et le sol boueux de l’estuaire attirait l’anguille d’Amérique.

La population de Metepenagiag jouissait d’un des meilleurs emplacements de l’estuaire de la Miramichi. Il profitait également d’un emplacement idéal entre la forêt et la côte. Les ressources forestières et halieutiques étaient à portée de main. Les chasseurs n’avaient qu’une courte distance à franchir pour trouver les meilleures aires d’hivernage de chevreuils, d’orignaux et de caribous. Les visites printanières et estivales au bord de la mer permettaient de ramasser des œufs d’oiseaux et des plants de pois de mer. À l’automne, il était facile d’organiser la chasse aux oiseaux migrateurs dans les marais de Red Bank.

Printemps et été

Le printemps et le début de l’été étaient des périodes d’activité intense pour les Metepenagiags. Après, et parfois pendant, les hautes crues printanières d’eau douce, les habitants déménageaient de leurs quartiers d’hiver pour retrouver les campements riverains d’été près des zones de pêche. Les hommes, les femmes et les enfants descendaient des hautes terrasses et transportaient les ballots de vêtements d’intérieur, les boîtes d’écorce et leurs autres possessions pour s’installer dans leurs résidences estivales. Dès la fonte des glaces, le saumon, épuisé et maigre après un hiver passé sous la glace, était harponné ou pêché au filet. À la fin d’avril ou au début de mai, les garçons les plus vieux ramassaient des milliers d’éperlans en fraie alors qu’ils remontaient la rivière. Il ne fallait que quelques semaines de plus pour que les femmes et les jeunes enfants se mettent à ramasser les premières verdures printanières. Les marmites bouillantes étaient continuellement remplies de saumon frais, de crosses de fougères et de pousses de quenouilles. Le poisson rôtissait suspendu près de chaque feu de camp et la population se délectait de nourriture fraîche et profitait de la chaleur de la nouvelle saison.

En mai, les habitants se tenaient occupés, attendant impatiemment l’arrivée de l’esturgeon. Tout en effectuant les activités normales de chasse, de pêche, de cueillette et de cuisson, toute la communauté se préparait pour l’arrivée du gros poisson. On bâtissait de nouveaux canots et on réparait les vieux. On envoyait les jeunes garçons ramasser des racines de sapin pour les réparations. Les plus vieux apprenaient à construire des charpentes de canots et à fendre les poteaux de cèdre pour en faire de longues baguettes. En plus de la construction de canots, on érigeait des fumoirs et des séchoirs à poisson et on réparait le gréement de pêche. On faisait une large provision de bois pour les fumoirs. Les femmes ramassaient le bois avec les jeunes filles tout en leur désignant les essences de bois qui donneraient la meilleure saveur à la viande et au poisson séchés. On en profitait pour amasser une bonne quantité d’écorce de bouleau pour fabriquer de nouvelles boîtes d’entreposage. Tout au long de ces préparatifs, les anciens fumaient et se remémoraient leurs aventures de jeunesse. Chaque jour apportait une nouvelle leçon de vie aux jeunes enfants.

Fin mai ou début juin, l’esturgeon remontait la rivière et la pêche atteignait son point culminant. Un esturgeon de l’Atlantique pouvait donner jusqu’à 360 kg (près de 800 lb) de viande fraîche et tendre qui se prêtait particulièrement bien au séchage. Les œufs d’esturgeon étaient excellents à manger et une femelle de 160 kg (près de 350 lb) pouvait en produire jusqu’à 40 kg (près de 90 lb). Afin de réussir à capturer ce gros poisson, à le ramener à terre et à le transformer, chacun des membres de la communauté des Metepenagiags avait certaines tâches à accomplir.

La description qu’a faite Deny au dix-septième siècle de la pêche à l’esturgeon chez les Micmacs fournit un portrait détaillé de la façon dont la pêche était faite à Metepenagiag à cette époque.

Il est pris au harpon, qui est fabriqué comme une baguette acérée mesurant huit ou dix pouces de long, pointue à une extrémité et à l’autre, percée d’un trou dans lequel est attachée une ligne. Le harpon est alors fixé au bout d’une perche de façon à pouvoir être utilisé comme une fléchette. La pêche se fait de nuit. Deux Indiens se placent dans un canot; celui à l’avant est debout, le harpon à la main, et l’autre est à l’arrière pour diriger l’embarcation; il tient une torche d’écorce de bouleau et il laisse le canot flotter au gré du courant de la marée. Lorsque l’esturgeon voit le feu, il arrive et tourne tout autour, virant sur lui-même d’un côté et de l’autre. Dès que le harponneur aperçoit le ventre du poisson, il le transperce sous les écailles. Le poisson se sentant accroché nage avec acharnement. La ligne est attachée à la proue du canot que le poisson tire à la vitesse d’une flèche. Celui qui dirige le canot doit aller dans la même direction que l’esturgeon, sinon le canot risque de renverser, ce qui arrive parfois. Le poisson nage bien, mais ne peut le faire avec autant d’acharnement sur plus de cent cinquante ou deux cents pas. Lorsque cette distance est dépassée, la ligne est rentrée et le poisson mort est ramené sur le côté du canot. Les hommes attachent sa queue avec un nœud coulant et le ramènent ainsi à terre, car il est trop lourd pour être embarqué dans le canot.

La première migration de saumons clairs de l’Atlantique survenait au milieu de la pêche à l’esturgeon. À la lumière des torches, les hommes transperçaient le saumon et l’esturgeon. Les femmes vidaient les poissons et retiraient soigneusement le riche caviar (les œufs de poisson). Équipées de couteaux de quartz très aiguisés, elles coupaient la viande et la préparaient pour une cuisson immédiate ou pour le fumage ou le séchage. Lorsque les filets étaient placés sur les séchoirs, on les saupoudrait de moutarde sauvage moulue. (La moutarde était une épice populaire. Elle était cueillie et utilisée dans plusieurs plats des Metepenagiags.) Les femmes et les jeunes femmes tournaient les filets régulièrement et prenaient grand soin d’entretenir le feu des séchoirs. Lorsque les filets étaient prêts pour entreposage, ils étaient empaquetés dans des boîtes d’écorce de bouleau. Le poisson séché ou fumé au printemps et au début de l’été était apporté comme provision dans les voyages en canot ou offert aux personnes qui faisaient une visite en été. Le poisson des Metepenagiags était reconnu pour sa qualité et sa saveur toute spéciale. […]

Source: Patricia Allen, "Metepenagiag : le plus vieux village du Nouveau-Brunswick " (Red Bank, Nova Scotia: Red Bank Indian Band, 1991), 15-16, 19, 23-29.

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