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14 juin 1963 Note de service de la GRC concernant des renseignements reçus de Simma Holt

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Fichier de la division no E. 1131-5-1 Détachement : section spéciale « D »

Vancouver, C.-B. -14-JUIN-63

SVOBODNIKI — Renseignements reçus de Simma HOLT

CONFIDENTIEL

14-JUIN-63

1. Au cours de notre enquête sur les Doukhobors en général, la théorie suivante a été divulguée par la journaliste Simma HOLT du Vancouver Sun à propos du meurtre par bombe de Peter le Divin VERIGIN à Farron, C.-B., en 1924. Ses recherches l’amènent à suggérer la théorie selon laquelle le fils de Peter le Divin, Peter II (Chistiakov), aurait été à l’origine du meurtre de son père. Selon elle, cette théorie est soutenue par les faits suivants :

Pour comprendre la rancœur de Peter Petrovich VERIGIN (Chistiakov) – deuxième dirigeant au Canada – il est nécessaire de connaître la rancœur qu'on a entretenue chez lui dès son plus jeune âge contre son père, Peter Vasilivich VERIGIN (le Divin) ou Peter I.

Il faut remonter aussi loin qu'au règne de Loukeriya (1844-1886), la femme de Peter KALMIKOFF, qui a assumé la direction au décès de son mari. Elle avait déjà l’œil sur Peter VERIGIN lorsqu’il n’était qu’un enfant et qu’elle était déjà une jeune mariée. Elle a dit à la mère de VERIGIN, alors que celui-ci n’avait que neuf ans, qu’un jour elle viendrait le réclamer.

Peter devenait un bel homme et, lorsqu’elle l’a revu à la fin de son adolescence, sa détermination n’en est devenue que plus forte. À 20 ans, il est tombé amoureux et il s’est marié avec Dunia KATELNIKOFF en 1878. Loukeriya a piqué une terrible crise et, dès l’arrivée du printemps, elle s’est frayé un chemin avec son équipage (accompagnée d’un entourage fort luxueux composé de demoiselles de compagnie et de serviteurs) jusque chez lui pour le forcer à quitter Dunia. Elle était furieuse contre tout le monde, sauf Peter, qu’elle adorait. Elle l’a forcé à quitter Dunia et est allée en cour – ce fut le premier cas pour lequel les Doukhobors ont eu recours à la loi; elle a obtenu pour lui son divorce légal de Dunia.

Les parents et la famille de Dunia méprisaient Peter. L’hostilité était palpable. En 1880 [sic – en 1881], il a abandonné sa femme et est parti pour le quartier général de Loukeriya à Wet Mountain. Peter II naissait un mois plus tard.

Tout au long de sa vie, Peter II n’a entendu parler que de la sournoiserie et de la méchanceté, de l'abandon de lui et de sa mère par Peter I. La haine KATELNIKOFF était profonde en lui.

Pendant ce temps, Loukeriya avait fait bâtir un sanctuaire pour Peter et aucun être humain, à part Peter et elle, n’était autorisé à y pénétrer. À sa mort en 1886 (certains disent qu’elle a été tuée), il y a eu une scission. Ceux qui avaient aimé la paix qu’elle avait apportée, ainsi que l’argent, sont partis avec son frère, Michael HOBUNOFF; le groupe le plus nombreux, Ivan MAKORTOFF en tête, a suivi Peter. Ces derniers formaient le groupe le moins stable.

Il y a eu une autre scission lorsque Peter leur a ordonné de s’abstenir de toute activité sexuelle, y compris avec leurs femmes, de ne pas manger de viande, de ne pas fumer ou boire. Certains ont suivi Peter et ceux qui commençaient à en avoir assez ont laissé le groupe. Puis, en 1895, il y a eu une nouvelle scission au sujet du fait qu’il leur demandait de brûler leurs armes; le Canada a reçu ce qui restait de la scission des scissions des scissions qui, chaque fois, éliminaient les pires éléments.

Quoi qu’il en soit, Peter le Divin est arrivé au Canada en 1902, trois ans après l’arrivée de 7363 Doukhobors. Il avait quelquefois écrit à Dunia de sa prison en Sibérie au sujet de Peter, mais il était toujours méprisé par elle et sa famille.

Cependant, en 1906, au Canada, il a voulu la voir ainsi que son fils et son nouveau petit-fils. Peter II éprouvait de la curiosité à propos du Canada et sa mère était également intéressée. Alors ils sont venus. Peter II avait alors 24 ans. Il était déjà un buveur et un joueur invétéré. Dunia n’est pas arrivée seulement avec Peter mais aussi avec Anna, la femme de Peter, leur bébé Peter Petrovich, une fille (Anna MARKOVA vraisemblablement) et un jeune vaurien de 16 ans, Peter MOROZOFF.

Peter [Chistiakov] avait promis à ceux qui étaient en Russie qu’il essaierait de leur trouver des terres au Canada. Il leur a donc demandé de l’argent (comme d’habitude) à cette fin. Il leur dira plus tard qu’ils n’auraient pas aimé le Canada.

Selon Jim Wright (dans Slava Bohu), le père et le fils se ressemblaient tellement que le jeune Peter savait exactement quoi dire et quoi faire pour irriter son père et il passait son temps à le faire. Il le provoquait constamment. La mère était ouvertement désillusionnée et elle ne cachait pas sa rancœur envers Peter le Divin. Ils (la mère et le fils) vivaient dans des maisons séparées en face de celle du père. Seul le petit-fils apportait un peu de joie à Peter. Il regrettait de les avoir fait venir au Canada.

Les bons Doukhobors étaient apparemment scandalisés par l’arrogance de Peter, son langage obscène, son habitude de fumer la cigarette et son effronterie envers son père. [...]

Peter le Divin était anéanti par tout ceci [et il a ordonné à son fils et à son ex-femme de retourner en Russie, ce qu’ils ont fait.] [...]

16 septembre 1927, Peter II arriva au Canada [de Russie]. [...]

Au tout début, lorsqu’il est arrivé, il a dit dans un de ses très longs discours (habituellement un minimum de deux heures) que :

« Je sais qui a tué mon père. J’ai souvent ressenti de la colère et un sentiment de vengeance, mais le Christ à l’intérieur de moi m’a dit : “pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font.” »

Les Doukhobors sentaient qu'il voulait dire que le gouvernement l’avait fait – il le savait et sans aucun doute il y avait certaines personnes qui avaient peur que Peter divulgue des noms.

[...]

Voici ma théorie :

Je pense que Peter haïssait profondément son père parce qu’il avait abandonné sa mère et à cause de la haine que lui avaient inculquée les parents de sa mère et sa famille. Il n’entendait rien d’autre. Lorsqu’il est arrivé au Canada en 1906, il a vu la montagne d’argent que son père se faisait sur le dos de ces ignorants. Il n'aimait pas plus son père en le rencontrant. Entre-temps, les éléments les plus irresponsables parmi les Doukhobors aimaient le style de vie princier de Peter et il s’est lié d’amitié avec eux en 1906.

En vieillissant, son amour de l'argent et du jeu a grandi. Il savait où en trouver beaucoup. Il n’arrivait pas à très bien vivre sur le dos de ses gens en Russie et il pensait faire mieux avec les Canadiens – d'après ce qu’il avait vu de la prospérité de son père et ce que ses amis lui ont appris par la suite sur l’empire que son père avait bâti avec la CCUB. Il avait des problèmes avec le gouvernement russe. Il se faisait régulièrement jeter en prison. Il était certain de succéder éventuellement à son père (ses correspondants l’ont certainement encouragé dans cette direction). Il savait que, même s’il ne venait pas au Canada, il pourrait en avoir des milliers (et il a réussi au cours des trois années entre 1924, à la mort de son père, et son arrivée en 1927). Il voulait probablement hériter plus rapidement tout en se débarrassant de son père qu’il méprisait.

Quoi qu’il en soit, je suis certaine qu’il était l’instigateur du meurtre. C’était la première explosion des Doukhobors et les explosions ont recommencé (« VERIGIN'S Tomb attempt » — [Attentat contre la tombe de VERIGIN] 25 mai 1930) après son arrivée au Canada. [...]

Ce n’est qu’une théorie mais elle est bâtie sur de solides fondations. Il y a les Doukhobors qui sont divisés entre eux; et il y a les autres Doukhobors qui sont abattus, honteux et qui changent de nom afin que personne ne puisse savoir qu’ils sont doukhobors; et depuis un an, les gens ont parlé.

Il y a un élément additionnel : MAKAROFF a dit – en s’adressant à moi et aux Doukhobors présents à la réunion de la société historique – que lorsque Peter II était mourant, Peter MAKAROFF lui a dit que la CCUB était finie, que l’avocat (MAKAROFF) avait les papiers de forclusion en main. MAKAROFF a dit – Peter Chistiakov a soupiré « Dieu soit loué, j’ai réussi à détruire tout ce que mon père a fait. »

[...]

E.C.E.

J. Stinson, sgt.
Responsable de la section spéciale « D »

Source: Steve Lapshinoff, Documentary Report on the Death of Peter Verigin, et.al. in a Train Explosion near Farron, B.C. in 1924 (Crescent Valley, BC: Steve Lapshinoff, 1993), pp. 285-90, , , J. Stinson, Document de la GRC du 14 juin 1963 concernant des renseignements reçus de Simma Holt, journaliste au Vancouver Sun, 14 juin, 1963.

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