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Les Doukhobors à Grand Forks

Bureau du chef de police,
Greenwood, C.-B.
22 juillet 1919

Me A. M. Johnson
Sous-procureur général
Victoria, C.-B.

Monsieur,

Objet : Les Doukhobors à Grand Forks.

En réponse à votre lettre du 18 de ce mois que j’ai reçue, permettez-moi de vous informer que j’ai passé deux jours à Grand Forks il y a environ deux semaines pour étudier la question des Doukhobors et j’en ai discuté avec plusieurs citoyens; les avis sont en général grandement partagés alors que certains disent qu’ils sont de bons colons; le deuxième jour où j’étais à Grand Forks, une délégation est venue me rencontrer au poste de police pour discuter de la question selon leur point de vue et ceux-ci étaient unanimes à affirmer que les Doukhobors n’étaient pas de bons colons et qu’ils étaient une honte pour n’importe quelle communauté; les représentants ont tenté de me faire promettre que je les aiderais à expulser les Doukhobors; on m’a parlé des défilés de nudistes et aussi que quelques personnes, dont le méthodiste Parson je crois, avaient pris des photos d’eux alors qu’ils étaient nus. Je ne me suis engagé à rien et, restant plus ou moins neutre, je leur ai demandé ce qu’ils proposaient comme solution à ce problème; ils semblaient penser que les Doukhobors devraient être obligés de vendre leurs propriétés dans la vallée à un prix raisonnable afin que le gouvernement mette sur pied un village pour les soldats qui reviennent de la guerre. Je les ai informés que, selon moi, s’attendre à ce que le gouvernement tente de déloger les Doukhobors par la force était hors de question puisqu’ils avaient acheté et payé leurs terres et que les vendeurs avaient été très contents d’accepter leur argent et que leurs voisins vendaient encore leurs terres aux Doukhobors.

Ils ont ensuite suggéré d’obliger les Doukhobors à respecter la loi scolaire et celle sur les statistiques de l’état civil; cela les découragerait et ils partiraient d’eux-mêmes; ils ont affirmé que les Doukhobors n’envoyaient à l’école qu’un petit pourcentage de leurs garçons et seulement une fille et qu’ils n’enregistraient ni les naissances ni les décès. Je les ai informés que Peter Verigin avait promis de fournir au gouvernement les statistiques de l’état civil pour toute leur colonie et que si je recevais des ordres à l’effet de faire respecter la loi scolaire aux Doukhobors, que je ferais tout en mon pouvoir pour y arriver. Voilà à peu près tout ce que j’ai à rapporter sur ce qui s’est passé entre moi-même et le Comité des citoyens.

Le 10 de ce mois, en tant que représentant du corps policier, je suis allé à la colonie occupée par cette bande de proscrits; ils vivent sur une propriété de la communauté que Peter Verigin leur a allouée lorsqu’ils se sont séparés des autres, ils n’ont rien en commun avec la grande colonie, en fait ce sont des ennemis jurés, leur terre est située en haut de la fourche nord de la rivière Kettle à environ six milles de Grand Forks. Le constable Stanfield est venu avec moi en automobile; lorsque nous sommes arrivés en face de leurs maisons, j’ai vu une femme nue sortir de la rivière, elle s’est rendue à une maison à environ 100 pieds de l’eau et elle était vêtue lorsque nous sommes arrivés à la maison, les trains passent à quelques pieds seulement de ces maisons et même si je crois que certains employés ferroviaires sont sincères lorsqu’ils se disent contre ces comportements nudistes, je dois dire que selon moi il y en a qui les encouragent en riant et en les ridiculisant; cependant, ce n’est qu’une question d’opinion. Ces Doukhobors n’ont aucune école et l'école de la colonie la plus proche est à deux milles et, bien sûr, ils ne la fréquentent pas. Parmi cette bande, il y a eu les condamnations suivantes : en 1914, une personne a été condamnée à 3 ans pour vol et, en 1916, 6 hommes et trois femmes ont eu six mois pour vol et, en 1918, treize hommes et trois femmes ont eu trente jours pour refus de s’enregistrer sous la loi de la main-d’œuvre; en mai dernier, trois hommes ont été arrêtés pour avoir refusé d’enterrer un corps; ils ont choisi un procès devant jury et après un séjour en prison à Nelson, ils ont plutôt choisi un procès rapide par-devant le juge Brown et ont été libérés avec une condamnation de trois mois avec sursis. Lorsque je suis allé à cette colonie, le 10, le chef était absent mais son frère, dont on m’a dit qu’il était en quelque sorte le commandant adjoint, était présent; j’ai essayé de discuter avec lui au sujet des actions de ses camarades, mais c’était une conversation bien peu satisfaisante; j’ai essayé de lui expliquer qu’on ne les avait pas amenés dans ce pays pour qu’ils y vivent comme des sauvages et je lui ai demandé s’il voulait être retourné en Russie; il a répondu que tous ceux qui vivaient là, au nombre de 44, étaient prêts à retourner en Russie.

Si nous pouvions seulement persuader le gouvernement fédéral de renvoyer cette bande chez eux, nous en serions bien débarrassés; pour ce qui est du reste des Doukhobors, même s’ils sont ignorants et rustres dans leur mode de vie, ils semblent être de bons travailleurs et ils ont bien amélioré leur propriété depuis qu’ils l’ont achetée. En autant que je sache, ils ne sont pas d’accord avec cette affaire d'étalage nudiste. Espérant avoir fait le tour de la question à votre satisfaction.

J’ai l’honneur d’être,
monsieur,
votre dévoué serviteur
J. A. Fraser
Chef de police
P.-S. La petite colonie compte 12 hommes adultes, 10 femmes adultes et 22 enfants.
J. A. F.

Source: Library and Archives Canada, , RG76 Vol. 185 File 65101 pt. 10 C-7340, J.A. Fraser, Les Doukhobors à Grand Forks, 22 juillet, 1919.

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