M. L. A. F. [Margaret Fairbairn], « Quelques toiles exposées à la galerie d’art », Toronto Daily Star, 11 mars 1916

La quarante-quatrième exposition annuelle de la Ontario Society of Artists s’ouvre aujourd’hui au Musée d’art, situé au coin des rues College et St. George, alors que les murs des trois galeries sont bien garnis et qu’on y retrouve un bon nombre de sculptures, bien que cette catégorie d’œuvres d’art soit moins bien représentée qu’à l’habitude.

De façon générale, les œuvres des jeunes artistes masculins dominent la galerie, moins par leur nombre que par la détermination avec laquelle ils utilisent des couleurs intenses, voire même violentes – à cause de ces couleurs, les toiles plus modérées ont l’air médiocre en comparaison.

« Le Jardin sauvage » de J. E. MacDonald en est un bon exemple. C’est ce que l’on pourrait appeler « une masse de couleur incohérente », puisqu’à première vue, on dirait un mélange sans but précis de couleurs crues qui, on finit par le comprendre, représente les bourgeons d’un jardin baigné de soleil. Du même artiste, « Pompe à eau et potirons » démontre autant d’éclat mais dans celle-ci on voit le soleil et on discerne les formes et le sens. Par contre, dans « Les Éléments », l’artiste se laisse de nouveau aller à un tourbillon chaotique de formes, où les nuages sont comme des roches et où les roches, la végétation et les humains se retrouvent dans le même tourbillon convulsif, ce qui suggère sans aucun doute qu’un mouvement commun anime tous ces éléments. […]

« Le Derrick » de M. Charles Simpson représente la poésie du labeur et le côté pittoresque des merveilles de l’ingénierie, alors que l’on aperçoit de la machinerie lourde contre un ciel maussade. M. Staples offre un point de vue distant des travaux de construction du viaduc de la rue Bloor, alors que M. Peter C. Shepherd, dans son œuvre du même titre, offre une vision rapprochée de cette entreprise qui communique une impression d’immensité et de labeur qui élève la chose au niveau d’une grande épopée.

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Pour ce qui est des scènes de neige, on en expose deux de M. Lawren Harris – des épinettes chargées de neige nouvellement tombée. M. Beatty nous montre le panorama plutôt réussi d’une rivière gelée entre deux bancs de neige; M. Arthur Lismer donne l’impression d’une scène hivernale ensoleillée, mais l’observateur s’interroge quelque peu devant le bleu intense de ses ombrages; M. Carmichael nous offre lui aussi sa version d’une scène hivernale, celle-ci un peu moins convaincante.

Les toiles « Les Bouleaux » et « Les Feuillus » de M. Tom Thomson démontrent un penchant certain pour les jaunes et les orangés intenses et les bleus profonds, ainsi qu’une utilisation intrépide de couleurs violentes qui peuvent à peine être qualifiées d’agréables, et qui nous fait découvrir une exagération du sentiment de vérité que le temps atténuera. […]

M. L. A. F. [Margaret Fairbairn]

Source: Margaret Fairbairn, "« Quelques toiles exposées à la galerie d’art »," Toronto Daily Star, 11 mars 1916

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