« L’expérience d’un homme d’ici dans la région sauvage du nord », The Owen Sound Sun, 27 septembre 1912

[ Canoeist's camp ]

Camp de canoteurs, Tom Thomson, 1912, Library and Archives Canada/Bibliotheque et Archives Canada, PA-193562, Cette photo a peut-être été prise par Thomson lors de son excursion à travers la réserve forestière (provinciale) Mississagi, au nord de l’Ontario, à l’été 1912. Le négatif a été endommagé, ce qui explique la distorsion de l’image

Un homme bien connu originaire d’Owen Sound, M. Thos. Thomson, fils de M. John Thomson résidant au 528 Quatrième Avenue Est, et auparavant de Leith, accompagné de son ami M. W.S. Broadhead de Toronto, est arrivé en ville lundi soir par le vapeur Midland après avoir passé deux mois en pleine nature en Nouvel-Ontario. M. Thomson et M. Broadhead, qui sont à l’emploi de la Photo Engraving Co., Concepteurs et illustrateurs, de Toronto, ont choisi cette façon originale de passer leurs vacances et en ont profité pour faire quelques esquisses et prendre quelques photos dans les forêts du nord. Le Sun s’est entretenu avec les deux jeunes hommes, qui sont bronzés et hâlés en raison de leur exposition au soleil, et a obtenu d’eux le récit de leur fascinant voyage.

Ils ont emprunté la ligne principale du Chemin de fer Canadien Pacifique et ont débarqué à Bisco où ils sont demeurés quelques jours, le temps d’amasser les provisions qu’ils allaient apporter avec eux. Ils se sont procuré, au magasin de la Compagnie de la Baie d’Hudson à Bisco, de la farine, du sucre, du porc, des haricots, du riz, des pruneaux, de la poudre à pâte et d’autres produits qui ne sont pas altérés par l’humidité et se transportent bien. Ils ont également acheté des pommes de terre et des oignons déshydratés, et du lait en poudre, lesquels sont légers à transporter et durent longtemps. En additionnant tous ces articles, en plus de leur tente, de leurs couvertures et de leurs vêtements, ils se sont retrouvés avec deux cents livres de bagages chacun.

Ils ont quitté Biscostasing à bord d’un canot Peterboro léger vers la dernière semaine de juillet et ont pagayé sur le magnifique lac Bisco, campant là où ils se trouvaient lorsque la nuit tombait, faisant des esquisses et prenant des photos des paysages les plus majestueux. Du lac Bisco, ils se sont rendus au lac Ramsay, un autre plan d’eau douce d’une beauté insurpassable, puis ils sont passés par la rivière Spanish pour ensuite traverser le lac Spanish et ont fait du portage jusqu’au lac Canoe. Là-bas, les orignaux se faisaient nombreux et ils ont immortalisé sur de magnifiques esquisses ces immenses animaux des forêts nordiques. À la sortie du lac Canoe, il y a un portage d’environ trois milles et près de ce portage, on retrouve une belle petite cascade, située à l’extrémité du lac Osagama. Passé ce lac, ils sont entrés dans le lac Green, où les deux hommes ont été retardés de quelques jours par une tempête et une grosse averse. Cette dernière a éclaté alors qu’ils pagayaient sur le lac et a inondé leur canot; les hommes sont alors tombés dans le lac et toutes leurs couvertures et leurs provisions ont été trempées. Toutefois, ils n’ont rien perdu et ils ont réussi à récupérer le canot puisque les deux hommes sont des nageurs experts. À cause des pluies continues, le niveau d’eau des lacs et des rivières du nord est très élevé et il y a eu de l’érosion près du portage du lac Clear. Les jeunes hommes ont trouvé une tente ayant été partiellement ensevelie par le sable qui avait été rejeté sur la berge de la rivière et, croyant qu’un garde forestier était peut-être enseveli sous le sable, les deux hommes ont examiné les lieux mais n’ont trouvé personne.

Ils ont continué leur périple et sont entrés dans la réserve forestière Mississauga, où les portages sont plus faciles puisque les gardes forestiers les débroussaillent. Ils avaient alors quitté les eaux qui s’écoulent vers la baie James et traversé la ligne de partage des eaux entre les eaux d’amont de la baie d’Hudson et celles du lac Huron. Il était alors plus facile d’avancer puisqu’ils pagayaient dans le sens du courant et non contre celui-ci et ils ont rapidement atteint la rivière Aubinadong, un affluent de la Mississauga. Ils sont restés quelque temps à Auberry Falls, un des plus beaux endroits dans le nord, et ont pris quelques photos, même si, comme le racontait M. Thomson, la température n’était pas favorable à faire des esquisses ni de la photographie.

Les loups sont nombreux partout dans la réserve et M. Broadhead a été assez chanceux pour se trouver à moins de cinq pieds de l’un d’eux, un splendide spécimen de loup commun du Canada qu’il a réussi à photographier. Il y a également beaucoup de chevreuils et d’ours en plus de nombreux canards et perdrix. La pêche n’a pas été très bonne même si les deux jeunes hommes ont pêché de belles truites mouchetées dans le lac Clear. Dans les eaux d’amont de la baie d’Hudson, on ne pêche que du brochet et la truite et l’achigan qu’on y trouve sont de très mauvaise qualité.

En quittant Auberry Falls, les deux compagnons ont poursuivi leur chemin le long de la puissante rivière Mississauga, entre les rochers immensément hauts et majestueux et à travers la forêt regorgeant de pins, de pins gris, d’épinettes et de peupliers. En entrant dans les rapides Forty Mile, où l’eau dévale à vive allure sur quarante milles par-dessus les rochers et les gros galets, et particulièrement en cette saison à cause des pluies diluviennes, ils se sont rapidement rendus à Squaw Chute où Mark Ripley, un vieux personnage bien connu des touristes et des sportifs, vit avec pour seuls compagnons les chevreuils et les lapins apprivoisés qui sont devenus ses amis. Un colon, M. Dan Mitchell, auparavant de Sullivan, a conduit les deux hommes jusqu’à Bruce Mines, d’où ils sont repartis à bord du Midland samedi.

Les jeunes artistes croient qu’il s’agit d’un pays grandiose et ont hâte à l’an prochain lorsque l’appel de la nature les ramènera dans cette contrée riche en ressources naturelles et en paysages à couper le souffle – riche en ressources minérales puisque du fer et du cuivre ont déjà été découverts et que bientôt peut-être un prospecteur chanceux trouvera quelque chose qui transformera l’endroit en un second Cobalt – riche en raison de ses forêts, de ses pins rouges et blancs ainsi que de ses épinettes – riche en raison de ses immenses cascades et donc de son énergie hydraulique, et riche en raison de l’abondance de poisson et de gibier qui s’y trouve.

M. Broadhead a déclaré qu’un groupe d’aristocrates anglais était parti de Bisco après leur départ, emportant avec eux des lits de camp, des chaises, des pantoufles, des serviettes de table et d’autres articles de luxe, et qu’il ne savait pas comment ils s’étaient débrouillés depuis leur départ, mais qu’il pouvait facilement l’imaginer. Les deux jeunes hommes quitteront cette semaine pour reprendre le travail à Toronto.

Source: "« L’expérience d’un homme d’ici dans la région sauvage du nord »," The Owen Sound Sun, 27 septembre 1912. Notes: Page deux

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