Un éditorial

British Colonist
13 avril 1869

Plusieurs de nos lecteurs doivent se demander à quelle fin notre système de gouvernement a été institué. C’est une question à laquelle notre équipe éditoriale, même avec toute sa perspicacité, n’a pas davantage réussi à répondre. En effet, le gouvernement ne semble manifester aucune volonté d’adapter nos lois afin de s’ajuster aux besoins des colons, il semble décourager l’immigration et il ne protège même pas les citoyens industrieux contre les sauvages, alors que la plus élémentaire des précautions préviendrait les atrocités les plus affreuses.

L’île de Salt Spring figure parmi nos premières colonies de la côte est. Un certain nombre de fermes ont été établies par des hommes industrieux qui les ont amenées à un niveau très avancé de culture : toutes les espèces cultivées sont produites en abondance, et les pêches, les prunes, etc., sont de qualité égale à celles qui sont cultivées sur la côte. Le sol de l’île de Salt Spring est précieux non seulement pour sa productivité, mais encore davantage pour la facilité de communication par voie maritime avec notre ville, où l’on peut distribuer les produits à bon prix. Mais il semble que le gouvernement refuse de prendre les précautions les plus élémentaires pour assurer la protection des vaillants colons contre les meurtres et les vols.

On trouve dans l’île une tribu d’Indiens qui, ne trouvant rien d’autre à faire pour se distraire, se changent les idées en assassinant un colon de temps à autre. Ils emportent ensuite ses biens dans les bois et les cachent jusqu’à ce que la poussière retombe. Ils ressortent alors le butin et se le partagent. Ce genre d’événement s’est produit trois ou quatre fois et aucun des meurtriers, à l’exception de « Dick », qui est maintenant détenu, n’a comparu devant un tribunal. La procédure habituelle consiste à envoyer un navire de guerre dans les environs, lequel fait détoner la poudre et lance des boulets, pour ensuite faire débarquer des équipages qui s’efforcent de retrouver quelques biens volés. Dans chaque cas, les résultats, comme on le suppose aisément, ont été presque vains. Il aurait été de loin préférable que les navires ne lèvent jamais l’ancre.

Il est bien connu que les auteurs de tous ces vols et de tous ces meurtres, à l’exception de Dick, courent toujours dans l’île et qu’ils auraient pu être attrapés si nous avions pris les moyens appropriés pour les capturer. Ces moyens sont simples : lors de la prochaine visite d’un navire de guerre, il faut s’emparer des hommes importants de la tribu à laquelle appartiennent les voleurs et les meurtriers et les tenir en otage à bord jusqu’à ce que les meurtriers se rendent. Il faut toutefois s’assurer que soit envoyé un interprète compétent, capable d’expliquer le but de l’expédition et les conséquences en cas de désobéissance à la loi. Si cette procédure venait à être mise en place, on ne rapportera pas de sitôt de pareilles atrocités dans l’île. Laissons les navires économiser poudre et boulets, à moins que nous ne les utilisions dans le but de détruire les campements indiens, et à chaque fois, donnons un traitement exemplaire à ces misérables sauvages afin que soient protégés les gens industrieux et respectueux des lois.

Plusieurs colons ont déjà quitté l’île et d’autres se disent sérieusement prêts à le faire même s’ils doivent sacrifier tous leurs biens. L’un d’entre eux a défriché cinquante acres de terre qui étaient autrefois recouverts de gros arbres et il possède aujourd’hui une terre productive et des vergers. Mais que valent une bonne ferme et une terre fertile quand votre vie et vos biens sont en péril? Les risques excèdent les avantages. Voici un exemple qui démontre le sentiment actuel des Indiens face aux autorités : si nous n’avions pas transféré Dick au moment où nous l’avons fait, ses complices auraient tenté de le délivrer. Et à présent, un complot visant à lui substituer un jeune esclave se trame afin de lui sauver la vie. Cette colonie est d’une grande importance pour notre ville, et notre gouvernement est tenu de protéger les colons. Pour y parvenir, il doit prendre des mesures rapides et maîtriser les contrevenants comme il se doit.

Mais en infligeant à ces maraudeurs la punition qu’ils méritent, nous devons garder en tête qu’il y a peut-être davantage de leçons à enseigner qu’il n’y paraît à première vue, et nous croyons que la bonne procédure serait d’engager, au moins temporairement, un agent indien qui se rendrait voir ses semblables et écouterait ce qu’ils ont à dire. Un sentiment d’injustice imaginé par les indigènes croyant avoir été victimes d’un préjudice de la part des colons peut être à l’origine de plusieurs méfaits. Si une telle récrimination s’avérait, remédions-y immédiatement afin que les Indiens ne se sentent pas lésés. À en juger par la description du sentiment actuel vécu parmi les indigènes, comme un propriétaire terrien qui revient de cet endroit nous l’a révélé, nous devons prendre des mesures immédiates puisqu’il appert qu’un massacre général des colons est possible. Si un événement aussi affreux venait à avoir lieu, les autorités en seraient certainement tenues responsables.

Source: Un éditorial, British Colonist, 13 avril 1869

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