Meurtre de Curtis, enquête du coroner

l’Honorable
Secrétaire de colonie de la Colombie-Britannique

Maple Bay, 17 déc. 1868

Monsieur,

J’ai l’honneur de vous faire parvenir une copie du procès-verbal de l’enquête du coroner effectuée en présence du corps d’un homme nommé Giles Curtiss, il était un homme très tranquille et inoffensif et il travaillait à la ferme Stark depuis un an, il semble qu’il était assis sur une chaise, le dos contre la porte et que quelqu’un lui a tiré dans la tête et après coup, lui a tranché la gorge. Je crois que c’est l’œuvre des Indiens et si c’est le cas, je crois que le meurtrier sera retracé. Sampson, le constable, fait les recherches qu’il peut dans l’affaire. Le jury a rendu un verdict plutôt étrange, car je suis certain qu’on leur a accordé toute l’aide pour discuter des différents [vols?] auxquels ils font référence.

J’ai l’honneur d’être,
Monsieur,
votre dévoué serviteur

Jno Morley


Salt Spring Island
Colonie de Colombie-Britannique
À savoir

Une enquête du coroner en présence du corps de Giles Curtiss de Salt Spring Island, tenue à la maison de Louis Stark, à Salt Spring Island, le vendredi quinzième jour de décembre de l’année de notre Seigneur mille huit cent soixante-huit, par-devant moi, Jno Morley, un des juges de paix de sa majesté pour la colonie nommée en marge, coroner par intérim, et le jury suivant :

John P. Booth, président
Frederick Lester
William Harrison
Franklin Wall
Armstead Buckner
Thomas Park

Les jurés, ayant été dûment assermentés, ont examiné le corps après quoi on a procédé à l'interrogatoire des témoins suivants :

Jno Morley J. P.
Coroner par intérim


Salt Spring Island, le mardi quinzième jour de décembre mille huit cent soixante-huit.

Howard Estes, ayant été assermenté a déclaré, j'ai vécu avec le défunt Giles Curtiss pendant un certain temps, à la ferme de M. Stark. Dimanche dernier, je suis allé à l’église, quittant la maison vers dix heures du matin, à ce moment le défunt était très bien. Je suis revenu vers deux heures de l’après-midi. J’ai vu mon fusil appuyé à l’extérieur de la porte. Je suis alors entré dans la maison et j’ai vu le défunt étendu sur le [deux mots illisibles]. Je l’ai appelé, il n’a pas répondu. Je suis allé droit vers lui et j’ai vu du sang plein son visage. Je ne me suis pas arrêté pour l’examiner, mais je me suis retourné, j’ai pris mon fusil et j’ai couru jusqu’à la colonie. Je me suis d’abord rendu à la maison de M. Wall. M. Park est sorti de la maison de Wall, il y avait là quatre ou cinq colons. Je leur ai dit que mon pauvre ami avait été tué. Je n’ai jamais entendu quelqu’un menacer Curtiss. Je ne sais pas qui peut avoir commis le meurtre. Je suis retourné à la maison le lundi matin en compagnie de plusieurs colons. Nous avons examiné le corps et découvert une coupure en travers de la gorge et un couteau couvert de sang sur la table, le couteau m’appartenait. Lorsque j’ai quitté la maison pour aller à l’église, le couteau était sur la table, j’ai remarqué que plusieurs couvertures et une poche de farine avaient été dérobées, une valise contenant de l’habillement avait été ouverte et on en avait retiré les vêtements.

Par un [illisible] j’ai découvert un étui à fusil sur la table; il me manquait également un fusil à canon double, une grande nappe en tissu, plusieurs taies d’oreiller et quelques serviettes.

À la plage je crois que l’étui à fusil appartenait à des Indiens. À mon retour, le lundi, j’ai vu une taie d’oreiller sur le plancher, près de la porte et je crois qu’elle n’y était pas le jour d’avant, mais je ne pourrais pas jurer qu’elle n’y était pas. Il me manquait également quatre draps de coton, deux neufs et deux fabriqués avec des poches de farine.

(Signé)
Howard Estes

Noté et assermenté par-devant moi à Salt Spring Island le jour et la date susmentionnés

Jno Morley J. P.
Coroner par intérim


Salt Spring Island, le mardi quinzième jour de décembre mille huit cent soixante-huit.

John Norton ayant été assermenté a déclaré, dimanche dernier, j’étais à la maison de M. Wall quand M. Estes est arrivé en criant au meurtre. Il y avait là plusieurs colons, je lui ai demandé qui avait été tué, il a répondu que c’était son ami Curtiss. Quelqu’un a demandé si la maison avait été dévalisée, il a répondu qu’il ne savait pas, il disait qu’il était trop énervé pour arrêter et regarder. Le lendemain matin, je suis allé à la maison et aussitôt que j’y suis arrivé, M. Estes est arrivé avec plusieurs autres colons. Nous avons alors examiné le corps et constaté que sa gorge était tranchée. J’ai vu un couteau couvert de sang sur la table, j’ai également vu un étui à fusil sur la table. Je crois qu’il appartient à un Indien.

M. Estes a alors regardé aux alentours et constaté que plusieurs articles avaient été dérobés.

Par un [illisible] Nous avons ensuite cherché des traces d’Indiens près de la maison [illisible], nous avons vu plusieurs traces, certaines de pieds nus, d’autres de souliers, mais il y avait eu un peu de pluie la nuit précédente. La porte de la maison était ouverte lorsque je suis arrivé et il y avait une taie d’oreiller sur le plancher, près de la porte.

Samedi soir dernier, je revenais de Nanaimo dans un bateau avec trois autres colons et un Indien, nous avons sauté sur la route et avons fait un feu pour prendre une tasse de thé; cinq Indiens se sont approchés de nous et se sont mis à parler entre eux en langue indienne. L’un d’eux a pris la hache qui nous appartenait et s’en allait avec. Nous la lui avons enlevée. L’Indien qui était avec nous voulait qu’on s’en aille, disant qu’ils parlaient de le tuer. Nous nous sommes donc éloignés et lorsque nous étions dans le bateau, hors de danger, mon Indien me dit que les Indiens avaient dit qu’ils voulaient tuer un homme de Boston, et qu’ils voulaient nous tuer tous et nous jeter à la mer pour nous faire payer ce que les Kanakas avaient fait à Nanaimo. Je ne connaissais pas les Indiens, mais ils disaient venir de Cowichan

(Signé)
John Norton

Noté et assermenté par-devant moi à Salt Spring Island le jour et la date susmentionnés

Jno Morley J. P.
Coroner par intérim


Salt Spring Island, le mardi quinzième jour de décembre mille huit cent soixante huit.

Henry Sampson, ayant été assermenté a déclaré, dimanche soir dernier, j’ai été informé que M. Curtiss avait été tué. Je me suis rendu à Cowichan et j’en ai informé le magistrat. Depuis, j’ai fait un examen du corps. J’ai constaté qu’il avait eu la gorge tranchée et qu’on lui avait tiré de la chevrotine dans la tempe droite, la chevrotine avait traversé jusqu’à la poitrine, j’ai vu deux plombs sortis de sa poitrine, il gisait sur le plancher, près de la cheminée, il semblait être tombé de sa chaise qui se trouvait près de lui, il y a la marque d’un des plombs dans le dossier de la chaise. J’ai vu un étui à fusil qui avait été ramassé dans la maison, par son odeur, je crois qu’il appartient aux Indiens; il sent très fort le saumon, j’ai également vu un couteau couvert de sang et de poils dans la maison.

(Signé)
Henry Sampson

Noté et assermenté par-devant moi à Salt Spring Island le jour et la date susmentionnés

Jno Morley J. P.
Coroner par intérim


Salt Spring Island, le mardi quinzième jour de décembre mille huit cent soixante-huit.

John C. Jones, ayant été assermenté a déclaré, lundi dernier, je me suis rendu à la maison où M. Curtiss demeurait. J’ai vu le corps du défunt étendu sur le plancher. J’ai vu que sa gorge avait été, j’ai également vu sur la table un couteau couvert de sang et une partie de ses moustaches dessus.

J’ai vu M. Estes ramasser un étui à fusil et dire voici leur fourreau de fusil. Je l’ai pris dans mes mains et j’ai constaté qu’il appartenait à un Indien car il dégageait une forte odeur de saumon.

(Signé)
John C. Jones

Noté et assermenté par-devant moi à Salt Spring Island le jour et la date susmentionnés

Jno Morley J. P.
Coroner par intérim


Salt Spring Island, le mardi quinzième jour de décembre mille huit cent soixante-huit.

Louis Stark, ayant été assermenté a déclaré, le défunt Giles Curtiss est demeuré sur ma ferme un certain temps. J’avais un fusil dans la maison et je l’ai vendu à Curtiss, c’était un fusil à longs canons jumelés, un des [deux mots illisibles] était plus court que l’autre et un des chiens était brisé. Sur la butée de la crosse un trou était creusé assez grand pour un clou de trois pouces, la cosse inférieure, celle du canon, est cassée, les verrous sont solides et bons. Je crois qu’on a dérobé le fusil.

(Signé)
Louis Stark

Noté et assermenté par-devant moi à Salt Spring Island le jour et la date susmentionnés

Jno Morley J. P.
Coroner par intérim


Salt Spring Island, le mardi quinzième jour de décembre mille huit cent soixante-huit.

Conclusion du jury

Nous constatons que le défunt Giles Curtiss, est décédé des suites d’une décharge de chevrotine dans la tempe droite et nous rendons un verdict d’homicide volontaire par une ou des personnes inconnues, mais la nature des preuves indiquerait qu’il puisse s’agir d’Indiens. Nous croyons que le geste a été commis par certains de ces Indiens qui ont tué du bétail et dévalisé les maisons au cours des trois ou quatre dernières années, ils sont devenus plus effrontés parce qu'aucun effort n'a été fait pour les amener devant la justice pour les crimes commis précédemment.

Signature du jury

Noté et assermenté par-devant moi à Salt Spring Island le jour et la date susmentionnés

Jno Morley J. P.
Coroner par intérim

Source: BCA, Colonial Correspondence, File 1169-70, Morley, J. (Mflm B1342), John Morley, Meurtre de Curtis, enquête du coroner, 17 décembre 1868

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