L’affaire Pearson

« Ce qui était connu jusqu’à maintenant comme l’affaire Norman, a écrit le Globe and Mail de Toronto, est maintenant devenu l’affaire Pearson. » La tornade politique qui s’est développée la semaine dernière à la suite du suicide de l’ambassadeur Herbert Norman au Caire a secoué le chef des Affaires extérieures du Canada, Lester Pearson, qui s’est vu accusé de cachotteries et de contradictions dans ses déclarations publiques concernant l’ambassadeur Norman et ses positions concernant le risque que représentait Norman.

Ce dont il est maintenant question est la responsabilité du gouvernement canadien et son attitude lorsque le Sous-comité interne de sécurité du Sénat des États-Unis a révélé, d’abord en 1951 et de nouveau le mois dernier, que Norman avait eu des relations avec des communistes à l’âge de 28 ans lorsqu'il étudiait à l'Université Columbia. Pourquoi, s’est demandé Arthur Blakely du Montreal Gazette, « le gouvernement a-t-il attendu six ans pour traiter ouvertement et franchement – même si de façon encore incomplète – des questions de sécurité soulevées à Washington en 1951? » Blakely a écrit que, dès février 1940, un agent secret a transmis à la Gendarmerie royale du Canada l’information selon laquelle le nouvel agent des services extérieurs [Norman] était un membre secret du Parti communiste. »

Rapport secret

Piqué au vif, Pearson a rapidement envoyé un télégramme à la Gazette : « Il est vrai que le rapport d’un agent secret de la GRC mentionne que Norman était membre du Parti communiste du Canada en 1940, et cela ne fait aucun doute qu’il s’agit du rapport qui a été transmis par la GRC en octobre 1950 aux agences appropriées et auquel Blakeley et Morris [Robert Morris, avocat du Sous-comité sénatorial] font référence. »

Cependant, ajoute Pearson, en 1950, la GRC a revérifié ce vieux rapport de sécurité sur Norman datant de dix ans et a conclu « que l’information donnée est soit une erreur d'identité ou une rumeur non fondée provenant de sources dérivées non identifiées »*

La réponse de Pearson n’a fait que soulever une nouvelle question : est-ce qu’une accusation de déloyauté contre le diplomate Norman, même s’il a été prouvé qu’elle était fausse, a existé pendant dix ans sans qu’elle soit vérifiée par les Affaires extérieures? De plus, il y avait l’affirmation non récusée de l’orientaliste Karl Wittfogel, un ancien communiste, qui disait savoir que Norman était un communiste.

Les événements de la semaine ont certainement étayé ce que le journaliste Blakeley a nommé « un dossier qui prend de l’expansion ». Voici quelques faits nouveaux :

Alors qu’il était chef de la mission de liaison canadienne au quartier général du général MacArthur à Tokyo après la Seconde Guerre mondiale, Norman a été rappelé pour un interrogatoire et un nouveau contrôle de sécurité. Les soupçons portaient principalement sur son association avec Israël Halperin, un major de l'Artillerie royale canadienne qui avait été accusé, puis acquitté, d'avoir soutenu le réseau d'espionnage Sam Carr-Fred Rose relié à la bombe atomique.

Le nouveau numéro privé de téléphone de Norman avait été trouvé dans les papiers de l’avocat torontois Francis W. Park, directeur national du Conseil national pour l’amitié canado-soviétique.

* Pat Walsh, un ancien courrier pour les communistes et maintenant le secrétaire général de la Ligue anticommuniste pancanadienne, a rapidement été identifié comme la « source dérivée ». « Erreur d’identité – foutaise », s’est moqué Walsh dans une entrevue avec le Toronto Telegram. « Mon rapport contenait les faits de cette affaire. Le second rapport [qui disculpait Norman] avait été inventé par Pearson. »

Source: No author, "L’affaire Pearson," Time Magazine, 29 avril 1957

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