L’affaire Norman est classée

Éditorial, le Vancouver Province, le 17 août 1957

Les États-Unis ont fait parvenir au Canada leur réponse tardive à la lettre de protestation bien sentie envoyée à Washington en avril dernier par le ministre des Affaires extérieures de l’époque, M. Lester Pearson, au sujet de l’affaire Norman.

La réponse est conditionnelle, comme il se doit, à cause de la division des pouvoirs. En effet, le pouvoir exécutif du gouvernement américain ne peut garantir ce que fera le pouvoir législatif. Le premier ministre Diefenbaker a cependant accepté les garanties que les renseignements sur la sécurité fournis par le Canada sur des Canadiens seront « soigneusement protégés ».

Il faut espérer que l’affaire Norman soit maintenant classée de façon permanente.

* * * *

Rétrospectivement, cette tragique affaire pourrait finalement avoir fait plus de bien que de mal. La vague de colère des Canadiens, presque sans précédent, qui a suivi le suicide de l’ambassadeur Herbert Norman au Caire le printemps dernier après qu’il eut été pourchassé par le Sous-comité interne de sécurité du Sénat des États-Unis avait été renforcée par monsieur Pearson lorsqu’il avait fait parvenir une des lettres les plus dures jamais envoyées à Washington en provenance d’Ottawa. Il avait menacé de couper l’envoi de tout renseignement sur la sécurité aux Américains à moins d’obtenir la garantie que les renseignements ne seraient pas dévoilés sans le consentement des Canadiens.

L’intensité de cette réaction a surpris les Américains mais les a également poussés à regarder leurs voisins, et, dans une certaine mesure, à se regarder, avec plus de lucidité. Ils ont réalisé qu’ils ne pouvaient pas tenir pour acquis le consentement des Canadiens sur tous leurs agissements. Et ils ont dû refaire un examen public sur la survie à Washington d’un maccarthysme que la plupart avaient présumé disparu.

De ce côté-ci de la frontière, l’affaire Norman a peut-être aussi eu des conséquences positives. Elle a eu l’effet d’un purgatif sur un ressentiment réprimé qui s’était amplifié à la suite de discussions sur la question de la souveraineté soulevée par la très grande collaboration d’un petit pays avec un grand voisin, particulièrement en ce qui touche les affaires militaires.

Tout cela est maintenant terminé et deux pays qui sont fondamentalement les meilleurs amis du monde peuvent oublier cet épisode.

Source: editorial, "L’affaire Norman est classée," Vancouver Province, 17 août 1957

Retour à la page principale