Intérêts américains dans le Nord

[ Four miners engaged in sluicing operation ]

Quatre mineurs s’affairant au lavage par sluice, E.A. Hegg, 1898, Univ of Washington, Hegg 3189

Les Canadiens nationalistes ont souvent considéré les États-Unis d’un œil suspicieux; ce fut également le cas pour les activités des Américains dans le Nord canadien. Au cours de la ruée vers l’or du Klondike, le conflit entourant la frontière avec l’Alaska a souvent été cité comme un exemple de l’agressivité des Américains dans notre patrie du Nord, particulièrement lorsque la question a été réglée en 1903 en faveur des États-Unis. Mais cette vision de la situation était injustifiée, tant dans le cas du différend frontalier qu’en général.

Le litige de la frontière de l’Alaska ne portait pas seulement sur la limite séparant l’Alaska du Yukon. C’est le 141e méridien qui délimite cette frontière, selon un traité signé entre la Grande-Bretagne et la Russie en 1825, et elle n’a jamais été remise en question; il a suffi d’envoyer des arpenteurs dans le Nord pour trouver l’endroit où cette ligne traversait le fleuve Yukon, chose qui a été faite dans les années 1880. Le litige concernait la frontière entre la péninsule de l’Alaska et la Colombie-Britannique. Les États-Unis voulaient une bande de terre ininterrompue le long de la côte, alors que le Canada désirait contrôler la source des cours d’eau, particulièrement le canal Lynn, qui menait à Skagway et aux champs aurifères du Klondike. Il est vrai que les Américains, en particulier le président Theodore Roosevelt, ont adopté une attitude plutôt agressive dans ce litige, et il est également vrai que lorsque l’affaire s’est rendue en arbitrage, le jury était composé de trois Américains, deux Canadiens et un Anglais, et que ce dernier a voté en faveur des Américains parce qu’il accordait plus de valeur à l’amitié des États-Unis qu’à la loyauté du Canada. Mais il est aussi vrai que le Canada avait des arguments plutôt boiteux, qu’il le savait et qu’il n’y avait pas de raison légitime de porter plainte.

Le fait est que le Canada a déployé très peu d’efforts pour établir sa souveraineté sur le Nord du pays avant 1900. Le Canada était même hésitant à accepter les îles de l’Arctique que la Grande-Bretagne lui a offertes en 1880, et avant que le premier agent de la Police à cheval n’arrive en reconnaissance au Yukon en 1895, il n’y avait aucun représentant du gouvernement du Canada en permanence au nord du 60e parallèle. Même après la ruée vers l’or, la présence canadienne dans les Territoires du Nord-Ouest consistait durant des années en quelques policiers éparpillés dans quelques postes sur cet énorme territoire. Lorsque les Américains ont construit la route de l’Alaska en 1942, ils ont envoyé des milliers de militaires et de travailleurs civils dans le nord-ouest du Canada et il n’y avait aucun policier sur les lieux pour surveiller ce qu’ils faisaient ou l’effet de leur présence sur les Premières Nations, jusqu’à ce qu’Ottawa soit obligé de nommer un agent de liaison dans la région.

Le fond du problème est que les Américains n’ont pas menacé la souveraineté du Canada dans le Nord, mais ont agi dans leur propre intérêt — l’or, la pêche à la baleine, l’exploration, les besoins militaires comme le chemin de l’Alaska et le réseau DEW établis dans les années 1950 — lorsqu’ils ont cru nécessaire de le faire. La menace à la souveraineté est venue de l’inaction du Canada et la situation n’est guère mieux aujourd’hui qu’elle ne l’était en 1900.

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