Personne ne connaît son nom: Klatsassin et la guerre de Chilcotin
   
 

Seymour à Newcastle, no 8

20 mai 1864

1. Dans ma dépêche en date d’aujourd’hui concernant le massacre de Bute Inlet, je mentionnais mon désir d’aborder avec Votre Excellence le manque de défenses de la colonie. Il n’est pas dans mes intentions de faire des demandes irréalistes. Je préfère ne pas me plaindre.

2. Pendant mon administration du Gouvernement du Honduras, j’ai souvent eu à présenter une requête pour obtenir l’assistance d’un navire de guerre. Je n’ai aucune souvenance d’une occasion où on a montré une quelconque réticence à me fournir l’aide demandée. Qu’elles soient adressées à la Jamaïque ou à Greytown, mes demandes étaient toujours immédiatement satisfaites.

3. En Colombie-Britannique, je découvre que les choses se passent de manière très différente. Une frégate et deux canonnières étaient à l’île de Vancouver lorsque la nouvelle du massacre fut reçue. Cependant, la transmission de cette nouvelle fut retardée pendant deux jours et, ensuite, elle me fut envoyée par simple navire postal. * Ma demande urgente d’assistance navale a été acceptée, après une certaine hésitation, par l’officier supérieur de la marine, dans la mesure où il m’a envoyé la canonnière Forward avec la requête que le navire soit retenu le moins longtemps possible dans la colonie. ** Conséquemment, je ne suis pas certain si je peux l’utiliser pour garder la communication ouverte entre le quartier général et les hommes que j’ai envoyés à Bute Inlet sous M. Brew. *** Votre Excellence aura pris connaissance, à partir des faits contenus dans ma dépêche mentionnée plus haut, que je n’hésite pas à utiliser les ressources de la colonie; cependant je ne peux combler ici le besoin d’un navire à vapeur de haute mer. Nous avons des navires à vapeur conçus pour les rivières; ces navires ont des tirants de 18 à 20 pouces et des cabines pour passagers sur deux ou trois étages. Ils ne sauraient être sécuritaires en eau agitée. J’ai fait ce que je pouvais pour compenser nos carences en envoyant un agent acheter avec mes propres fonds de voyage un petit vaisseau à Portland dans l’état d’Orégon. Cependant, je ne pourrai pas m’y fier en cas de mauvais temps.

4. En ce moment, il y a trois navires de guerre dans le port d’Esquimalt : la frégate Tribune, la chaloupe Colombine et la canonnière Grappler. En Colombie-Britannique, nous n’avons que la canonnière Forward, qu’on m’a demandé de retourner le plus tôt possible. Lord Gilford, l’officier supérieur, a ainsi disposé en toute civilité de ma demande urgente d’aide pour une crise qui pourrait s’avérer de très grande importance pour la colonie. Il est vrai qu’il m’a informé que le Tribune n’était pas assez puissant pour se rendre à la source de Bute Inlet et que le Grappler avait subi de sérieux dommages lors d’une croisière dans le Nord-Ouest. L’expédition de M. Brew, devrait-on ajouter, s’était mise en route avant que l’arrivée du Colombine à Esquimalt ne soit connue de Lord Gilford. Je n’avais donc plus besoin de son assistance lorsque j’ai été informé qu’elle ne pouvait être libérée pour service dans cette colonie.

5. J’ignore quelles instructions ont été données à l’amiral de la station dans le Pacifique et il se peut qu’il soit impossible pour toute autorité, même celle de l’amiral lui-même, d’autoriser l’utilisation des navires de grande taille pour naviguer le long de cette côte; mais je penserais que les canonnières devraient être mises à la libre disposition du gouverneur de la Colombie-Britannique **** dans le cas d’une urgence, lorsque leurs services ne sont pas requis de façon indispensable dans l’île de Vancouver. Ou que si le Grappler et le Forward sont spécifiquement rattachés à la colonie voisine, un ou deux navires de cette classe pourraient être alloués à la nôtre. Cette vaste et importante province, qui ne coûte absolument rien au gouvernement impérial pour son entretien et qui n’occupe aucunement les forces terrestres de Sa Majesté, a le droit de recevoir, aux premiers jours de son existence, sa part d’une protection navale que la mère patrie accorde à d’autres possessions qui sont dans une position moins précaire.

6. Je regrette d’avoir à faire ces démarches au moment où Lord Gilford est l’officier supérieur de la marine, lui qui, en d’autres circonstances, est une personne si aimable et désireuse de plaire. Mais je me dois de comprendre dès le départ l’étendue de l’assistance à laquelle je peux m’attendre de la part des forces navales de Sa Majesté au cas où il y aurait un risque que des massacres isolés ne se transforment en insurrection.

7. Je devrais ajouter qu’il y a maintenant une peur généralisée des Indiens le long de la côte et que les travailleurs de la mine de cuivre de l’île de la Reine-Charlotte m’ont demandé de leur accorder protection ou de leur permettre d’abandonner leurs travaux de façon temporaire, avec le droit de les reprendre lorsque ce sera plus sécuritaire. Ma réponse est que je ne peux pas leur accorder ma protection navale mais que la compagnie ne résiliera pas leur charte s’ils devaient maintenant se retirer de l’île.
Veuillez agréer etc.

[P.S.] Le gentleman qui a copié ces dépêches pour moi a attiré mon attention sur les dépêches indiquées dans la marge ***** à partir desquelles il apparaît que le Grappler et le Forward avaient été spécialement envoyés pour servir la Colombie-Britannique. Je devrai porter ces documents à l’attention de Lord Gilford.

* Dans son autre projet de réponse, M. Seymour met énormément l’accent sur le délai de deux jours. Le gouverneur Kennedy a peut-être une explication.
ABd

** Cela semble court.

*** Ce qui est tout à fait légitime.

**** L’amirauté s’objectera à la tournure de la phrase.

***** Sir E. Lytton, no 30, 10 mars 1859.

Duc de Newcastle, no 21, 21 octobre 1859.

Sir F. Rogers

Cette dépêche ouvre une question délicate. Sir E. Lytton a insisté auprès de l’amirauté pour envoyer une couple de canonnières en service en C.-B. et a forcé le département à dire qu’il les enverrait. Mais c’est tout ce qui a été fait. Aucune canonnière n’est arrivée à la colonie, non plus que je me souvienne que l’assistance des autorités maritimes ait déjà été requise en C.-B. excepté à l’occasion de mauvaises conduites de quelques Indiens de la côte.

Sir E. Lytton a de plus obtenu la présence de quelques soldats du Génie, lesquels étaient stationnés dans la colonie afin d’offrir une protection militaire, de construire les routes, d’aménager les terres et d’agir comme pionniers dans les régions reculées. Ces hommes sont repartis et la colonie n’a aucun navire ou soldat. Mais est-ce nécessaire pour la colonie d’avoir un ou l’autre à sa disposition? Je ne le crois pas. Excluant la possibilité d’une invasion étrangère, dont devraient s’occuper les ressources impériales, quels sont les ennemis des colons? Simplement des querelles et des éclats entre eux et les Indiens qui, bien que sournois et vengeurs, n’ont pas le caractère guerrier de plusieurs autres tribus. Si mes impressions sont correctes, les colons devraient pouvoir s’unir pour leur propre protection, et on devrait leur dire qu’on s’attend à ce qu’ils le fassent. Il est peut-être dispendieux d’entretenir une force constabulaire en différentes parties du pays, mais cela est une des conséquences de l’attrait de l’or et les colons devraient être contents de la payer. Ce qui est important, c’est que le Gouverneur se souvienne, et qu’il le fasse comprendre à ses subordonnés, que les mêmes châtiments s’appliquent aux Indiens et aux Blancs et que la mauvaise conduite des Indiens, trop souvent provoquée par les Blancs, ne devrait pas l’amener, lui ou d’autres, à considérer leur comportement comme une affaire tribale. On devrait être très attentif à faire la différence entre les crimes individuels commis par les Indiens et ceux des tribus. Si le Gouverneur considère un massacre par une dizaine d’Indiens comme une affaire tribale et exerce une vengeance, alors cela dégénérera rapidement en guerre.

Je voudrais ajouter qu’une entente devrait être prise avec l’amirauté pour permettre une généreuse assistance à la colonie en cas d’urgence, étant donné son manque de protection et voyant à quel point les demandes faites aux forces navales par la colonie depuis cinq ans ont été rares.
ABd 22 juillet

M. Fortescue

Il me semble que l’amirauté pourrait être fortement invitée à donner des instructions à ses officiers qui auraient pour effet d’assurer leur sincère collaboration aux autorités de la colonie et d’assurer qu’au moins deux canonnières soient envoyées spécialement d’Angleterre pour assister cette colonie en temps de crise.

L’officier qui reçoit les récentes instructions de l’amirauté dont a fait état M. Seymour dans sa lettre privée pourrait presque comprendre qu’il ne doit faire que le strict minimum.
FR
CF 27

Source: Great Britain Public Record Office, Colonial Office Records, CO 60/18, p. 302, 6960, Frederick Seymour, "Lettre à Newcastle, no 8," sent 20 mai 1864, received 22 juillet 1864.

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