Personne ne connaît son nom: Klatsassin et la guerre de Chilcotin
   
 

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Document traduit

Brew au secrétaire colonial de la Colombie-Britannique

Waddington
23 mai 1864

Sir,

J’ai l’honneur de vous annoncer qu’après une marche laborieuse je suis arrivé, avec mon groupe, à la scène du meurtre sur la Homathco à 10 h du matin le 20 de ce mois. Nous serions arrivés la veille, mais nous avons été retenus au traversier pendant sept heures parce que la corde et le bateau ne fonctionnaient pas et que la rivière en crue était devenue un véritable torrent. À mon arrivée à la scène du meurtre, j’ai immédiatement ordonné qu’on fasse des recherches dans toutes les directions.

Dans le campement où les neuf hommes ont été tués, nous avons trouvé des traces de sang dans chacune des tentes où des hommes ont été massacrés sauf dans celle occupée par Chas. Buttle, mais nous avons trouvé son manteau ensanglanté avec deux trous de balle dans le dos; il n’y a donc aucun doute sur son destin. Un groupe est allé à deux milles d’ici au campement de Brewster et des trois autres hommes, mais rien n’y a été découvert, en après-midi M. Waddington est arrivé avec « Little George », le cuisinier de Brewster qui a montré l’endroit où il a entendu les coups de feu le jour des meurtres. Peu après, l’air vicié nous a permis de découvrir trois des corps : Brewster, Jim Gawley et John Clark. Brewster avait été tué par balle, sa tête écrasée par une hache, et il était éventré. Gawley avait reçu des balles dans le bras et le front alors que Clarke avait reçu deux coups dans la cuisse et l’aine et sa tête était écrasée. M. Elwyn et moi avons établi les causes des décès et nous avons fait enterrer les corps aussi décemment que le permettaient les circonstances. M. Elwyn a lu le service funèbre. J’avais laissé sept hommes au traversier pour aider M. Waddington à faire traverser les mulets, mais à ma grande surprise, M. Waddington est venu sans les animaux parce qu’il craignait de leur faire traverser la rivière en crue et à cause de l’état précaire du matériel de traversier. Les Indiens ne pouvaient que transporter des petites quantités et nous avons donc manqué de provisions et j’ai dû retourner immédiatement la moitié du groupe au traversier. J’y suis retourné avec le reste du groupe après l’enterrement le 21 et tout le monde est arrivé ici aujourd’hui. À moins d’avoir des chevaux, des provisions et les moyens de réparer le traversier et son matériel, je ne pouvais garder un groupe de cinquante hommes dans ce territoire. Ils manqueraient de nourriture. Les Indiens du bas pays ont si peur qu’ils ne s’aventureraient pas cent verges dans ce territoire sans protection et, de plus, ils ne peuvent transporter une quantité de provisions suffisante qui vaille la peine de payer pour ces services. Je me suis entretenu avec M. Waddington quant à l’opportunisme d’avancer plus à l’intérieur si cela s’avérait possible. Nous sommes arrivés à la conclusion que cela serait irréalisable avec les moyens à notre disposition. Des sentiers devraient être dégagés, des ponts érigés, des précipices escaladés et des obstructions maîtrisées par des moyens qui demandent des compétences d’ingénieur ainsi que des ressources. Pensant qu’il était inutile de débourser de larges sommes pour garder les hommes, j’avais décidé de revenir par le Forward aujourd’hui, mais votre lettre du 19 de ce mois que je viens de recevoir justifie certainement que je reste ici jusqu’à ce que je reçoive de nouvelles instructions. Si Son Excellence le gouverneur désire que je pénètre à l’intérieur, j’essaierai, même si cela sera extrêmement difficile. Je ne peux me faire aucune idée juste du sentier à partir des descriptions avantageuses qu’en fait M. Waddington. À quatre milles de distance, le sentier franchit une montagne qui, à mon avis, fait environ 2000 pieds, mais M. Waddington dit 1100 pieds. Si je dois continuer, vous devrez me faire parvenir des chevaux haches scies cordage. M. Waddington pourra vous en donner la quantité.

Pour revenir aux scènes de meurtre : nous avons marqué dans le sable les endroits où les corps des neuf hommes ont été traînés et jetés à la rivière. Battiste Demarais un des hommes de Brewster n’aurait pas été assassiné, il amasssait [sic] du bois lorsque la fusillade a commencé. Ses empreintes ont été trouvées jusqu’au bord de la rivière où il aurait sauté, les pas étaient aussi longs que ceux d’un homme descendant une colline en courant. Son mouchoir a été trouvé entre l’endroit où il travaillait et la rivière. À l’endroit où il a sauté, aucun homme n’aurait échappé à la noyade.

Il est difficile de comprendre comment des hommes peuvent avoir fait preuve d’une telle confiance aveugle, telle que démontrée par ceux qui ont été tués, en des sauvages qui sont inconstants. Il y avait dans le campement une quantité de toutes ces choses que convoitaient les Indiens, vêtements, poudre, balles, sucre, farine viande & toutes les [choses?]. On savait que les Indiens étaient proches de la famine et pourtant pas le moindre effort n’a été fait pour obtenir leur bonne grâce ou pour se protéger de leur hostilité. Lorsqu’ils travaillaient, ils se plaignaient que Brewster les payait mal et ne leur donnait rien à manger. Leur salaire aurait dû leur être versé en argent, mais comme me l’a dit un des hommes de M. Waddington, il n’en a jamais été question. Ils ont reçu de la poudre, des balles, des vêtements ou des couvertures comme ils le désiraient, mais bien sûr ce mode de paiement représentait une perte pour eux. Ils n’ont jamais pris des provisions en paiement. Ils pensaient avoir le droit d’être nourris, mais ils ne l’étaient pas. Ils mendiaient de la nourriture ou la volaient et lorsque cela ne marchait pas, ils allaient à la chasse ou à la pêche. Les femmes, particulièrement les plus jeunes, étaient mieux nourries que les hommes puisque le prix de la prostitution pour les misérables affamées était assez pour se nourrir. Les Chilcotins ne s’étaient jamais hasardés au sud de la rivière Homathco jusqu’à ce que M. Waddington fasse la paix entre eux et les Clohoose. Au début, ils étaient principalement armés d’arcs et des flèches, mais il a largement contribué à leur fournir des armes à feu, de la poudre et des balles en faisant du commerce avec eux. Je pense que les Indiens ont été traités de façon fort peu judicieuse. Si on avait utilisé un certain discernement à leur égard, cet affront n’aurait jamais été commis.

Dans le campement où les 9 hommes ont été tués, nous avons trouvé un reçu au nom de James Campbell (tué) pour 300 $ et un autre au nom de P.A. Peterson (blessé) pour 200 $. Le dernier reçu contenait deux billets pliés de 20 $. Je joins le tout. Peterson, qui est à Victoria, pourrait vouloir son argent. Pour arriver au campement de Brewster à partir du premier campement, le groupe a dû descendre un précipice par une corde et traverser un ravin de plusieurs centaines de pieds de profondeur, et ce, sur un simple rondin. Faire passer les chevaux par cette portion de sentier requerra plusieurs jours de travail, en fait, je ne vois pas comment cela pourrait être fait.

J’espère que vous excuserez les imperfections de cette communication j’écris à l’extérieur et je suis harcelé par des moustiques les gens parlent autour de moi et je sais que j’ai fait plusieurs erreurs. Je ne garde aucune copie. J’envoie ceci par canonnière puisque cela arrivera à N. W. plus rapidement qu’un canoë. Quatre de mes hommes retournent. Si je dois continuer, j’aurai besoin de plus d’hommes. Les Indiens ont très peur que les Chilcotins reviennent et tuent tout le monde, mais les atrocités commises pour avoir du butin l’ont été par quelques hommes d’une branche de la tribu chilcotine et la tribu principale ne partira pas en guerre en leur nom. Dans une cache un peu en dehors d’un sentier de chasse indien, on a trouvé une grande quantité de marchandise qui avait été prise dans la maison du passeur où Smith a été tué. Parmi le butin, les Indiens ont pris deux barils de poudre à canon et trente livres de balles. Ils ont éparpillé et détruit une grande quantité de choses qu’ils ne pouvaient cacher ou transporter avec eux.

Il m’est très difficile d’interroger les Indiens ici car ils ne connaissent pas un mot de chinook.

J’avais l’intention de faire un rapport complet à mon arrivée, mais je pense que ce rapport fait à la hâte contient au moins un résumé de ce que j’aurai à dire.

Si j’ai besoin de quelque chose en particulier avant d’avoir votre réponse, j’enverrai un canoë ça si je peux persuader les Indiens d’y aller car ils pensent que les Chilcotins sont sur le sentier de guerre en amont et en aval de la rivière. Ils ne sont pas [seuls?] car, dans certains défilés, dix hommes pourraient en tuer cent armés sans en perdre un seul.

Je demeure,
Sir,
votre humble serviteur
C. Brew, S. M., J. P.

Source: BCA, Colonial Correspondence, GR-1372, F193/14, Mflm B-1310, Chartres Brew, Lettre au secrétaire colonial de la Colombie-Britannique, 23 mai 1864.

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