Aurore — Le mystère de l'enfant martyre
   
 
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CANADA,
PROVINCE DE QUEBEC,
BUREAU DE LA PAIX.


DISTRICT DE QUEBEC,

- 58 -

Cité de Québec.
(Instruction préliminaire)

L'interrogatoire de ADJUTOR GAGNON, âgé de trente-neuf ans, de la paroisse de Ste-Philomène de Fortierville, cultivateur,

pris sous serment ce vingt-quatrième----jour de février,------dans l'année de Notre Seigneur mil neuf cent vingt,--------- dans la Cité de Québec, dans le district susdit, devant le soussigné, Juge des Sessions de la Paix, dans et pour la Cité de Québec, en présence de l'accusé Télesphore Gagnon.

Interrogé par Mtre.Arthur Fitzpatrick, Substitut du Procureur Général:-

Q.Etes-vous parent avec l'accusé?

R. Non monsieur.

Q. Vous connaissez l'accusé ici présent?

R. Oui monsieur.

Q. Etes-vous déjà allé chez lui?

R. Oui monsieur, le soir avant qu'elle meure.

Q. Avant ça, y êtes-vous allé?

R. Oui monsieur.

Q. Quand ça?

R. Le 17 ou le 18 de janvier.

Q. Vous connaissiez la petite fille qui est morte?

R. Oui monsieur.

Q. Maintenant, quand vous y êtes allé le 17 ou le 18 de janvier, avez-vous vu la petite fille?

R. Oui monsieur.

Q. Où était-elle?

R.Ches elle ,dans la cuisine, là.

Q. Dans quel état qu'elle était?

R. Elle avait les yeux noirs, ici, là, sous les yeux.

Q. Est-ce qu'elle avait autre chose, à part de ça?

R. J'ai pas pu voir.

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Q.Est-ce qu'elle avait les yeux bien noirs?

R.Pas mal noirs.

Q. Est-ce qu'elle avait quelque chose au front, aussi?

R. J'ai pas remarqué.

Q. Est-ce que vous vous êtes informé comment c'était arrivé?

R.On ne s'est pas informé, mais sa mère nous a dit......

Q. Gagnon était-il là?

R. Oui monsieur........Elle nous a dit que ça dépendait qu'elle avait été dehors nu-pieds.

Q. Es-ce qu'elle vous a parlé qu'elle était tombée sur le poêle?

R. Non monsieur.

Q. Gagnon a-t-il parlé, là, l'accusé?

R. Il disait qu'élever une famille avec cette petite fille-là, que c'était pas aisé,et l'accusé a dit :"D'ici au prontemps, je vais la placer".

Q. Qu'est-ce qu'il voulait dire, par ça?

R. C'est plus que je peux dire, ça.

Q.S'est-il servi d'autres mots à son égard? d'autres expressions, en parlant de cette enfant-là?

R.Devant moi il l'a maudite.

Q.De quelles expressionss'est -il servi?

R. Bien, en la regardant, il luia donné un nom que je ne me rappelle pas, et il l'a maudite.

Q. Qu'est-ce qu'elle a fait, la petite fille, quand elle a entendu son père la maudire?

R. Elle a rien dit.

Par le Juge:-

Q. De quelles expressions s'est-il servi? Rapportez donc l'expression, ce qu'il a dit.

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R. Le nom qu'il lui a donné, je ne m'en rappelle pas. En lui disant d'aller laver la vaisselle il l'a maudite; en la nommant de ce nom-là, il dit : "Maudit, vas donc laver la vaisselle.

Par Mtre.Arthur Fitzpatrick, Substitut du Procureur Général:-

Q. Mais était-ce une expression dont il se servait comme on dit "Maudit vas donc ici", "maudit vas donc là".

R. Il dit :"Maudite tête de........" en donnant un nom, "vas donc laver la vaisselle".

Q. Y a-t-elle été?

R. Non, elle voyageait de la table au poêle et ailleurs, et la vaisselle ne se lavait pas.

Q. C'était après souper?

R. Oui monsieur.

Q. Vous dites que l'enfant avait les yeux noirs?

R. Oui, cette enfant-là.

Par le Juge:-

Q. Là, quand la mère a dit que parce qu'elle avait marché sur la neige, qu'elle avait les yeux noirs, l'enfant a-t-elle répondu â ça?

R. Non monsieur.

Q. Avait-elle l'air à comprendre ce qu'ils disaient?

R. Je ne peux pas dire.

Q. Etait-elle intelligente, cette petite fille-là?

R. Je ne peux pas dire.

Par Mtre.Arthur Fitzpatrick:-

Q. Le douze février, êtes-vous allé là?

R. Oui monsieur.

- 61 -

Q.Avec qui?

R. Seul.

Q. A quelle heure?

R. Vers trois heures, trois heures et demie.

Q. Qui était là quand vous êtes entré?

R. Son père, un de ses oncles, et puis une créature ou deux, des voisines; je ne me rappelle pas au juste.

Q. L'enfant était-elle morte?

R. Non monsieur.

Q. Où était-elle, la petite fille?

R. Elle était couchée sur le lit, là?

Q. En bas?

R. Oui monsieur.

Q. L'avez-vous regardée?

R. Oui monsieur.

Q.Dans quel état l'avez-vous trouvée?

R. Je l'ai trouvée bien décomposée; le juge de paixm'avait dit d'aller la voir, et de la regarder comme il faut.

Q. Qu'est-ce que vous avez pu voir, M.Gagnon?

R. Moi, j'ai trouvé qu'elle était bien maigre et bien changée.

Q. Avait-elle quelques marques sur la tête?

R. Elle avait la joue bleue.

Par le Juge:-

Q. Avez-vous demandé s'ils avaient envoyé chercher le docteur?

R. Il y avait étédans le temps.

Q.Est-ce le jour de la mort que vous avez été là?

R. Oui monsieur; elle est morte à sept heures du soir.

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Par Mtre.Arthur Fitzpatrick:-

Q. Etes-vous resté là jusqu'à ce qu'elle meure?

R. Non, j'ai été à peu près cinq à dix minutes.dans la maison.

Q. Qu'est-ce que vous avez fait après ça?

R. Je me suis en allé chez nous, et j'ai continué à charrier.

Q. Maintenant, M.Gagnon, est-il à votre connaissance personnelle que l'accusé battait son enfant?

R.Pas du tout.

Q. Vous ne l'avez jamais vu battre?

R. Non monsieur.

Q. Est-ce qu'il vous a déjà dit qu'il la battait?

R. Non monsieur.

Q.La femme de l'accusé vous a-t-elle jamais parlé de cette enfant-là, en présence de l'accusé?

R. Non monsieur; si elle m'en a parlé, c'étaient des petites affaires; ça ne vaut pas la peine d'en parler. Elle ne m'a jamais dit de choses importantes.

Par le Juge:-

Q. Pourquoi êtes-voud allé là, cet après-midi-là?

R. A la ddemande du Juge de Paix.

Q.Pourquoi vous envoyait-il là?

R. Je le sais pas au juste, mais c'est lui qui m'a obligé d'y aller.

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Transquestionné par L'Hon.J.N.Francoeur, C.R., de la part de l'accusé:-

Q. Vous demeurez le deuxième voisin de l'accusé?

R. Oui monsieur.

— 62 -

Q. Quelle distance, à peu près?

R. Environ trois arpents.

Q. Vous êtes cultivateur?

R. Oui monsieur.

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Source: ANQ, TP12, S1, SS1, SSS1, 1960-01-357605, 3C 030 03-07-001B-01, Cour des sessions de la paix, matières criminelles, greffe de Québec, Déposition de Adjutor Gagnon, enquête préliminaire de Télesphore Gagnon, février 24, 1920, 6.

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