Entrevue avec Dorothy Eber

Dorothy Eber

Dorothy Eber est journaliste et auteure de plusieurs livres sur la tradition orale inuite, dont Encounters on the Passage: Inuit Meet the Explorers, publié en 2008.

Lyle Dick et Julie Perrone : entrevue avec Dorothy Eber sur ce qu’elle sait de la dernière expédition de sir John Franklin et sur l’interprétation qu’elle en fait.

1) Quand et comment avez-vous entendu parler de la dernière expédition de sir John Franklin?

J’ai grandi en Angleterre et, même dans mon enfance, on parlait beaucoup de la disparition de sir John et des navires; je suis certaine qu’on en parlait plus qu’on ne l’aurait fait au Canada. Donc, ma grand-mère en parlait et c’est comme ça que j’en ai d’abord entendu parler.

2) Qu’est-il arrivé à l’équipage de Franklin?

Lorsque j’ai commencé à travailler dans le Nord, j’ai entendu des récits sur Franklin. Il y avait plus de récits sur d’autres expéditions parce que les Inuits ont eu plus de contacts avec les autres expéditions. Par exemple, sir John Ross a passé quatre hivers en Arctique et a réussi à ramener ses hommes au pays. En ce qui concerne Franklin, ils ne semblent pas avoir eu beaucoup de contacts avec lui, mais ils étaient au courant de scènes de morts terribles et j’ai donc un peu entendu parler de Franklin.

3) Pourquoi ont-ils échoué?

Une des choses que j’ai lues dans les documents et dont des gens sur l’île du Roi-Guillaume m’ont aussi parlé était que lorsque les hommes blancs ont quitté leurs navires, ils ne semblaient pas être dans un état normal. Les Inuits pensent qu’ils étaient peut-être malades. Ils hurlaient et ne semblaient pas vouloir recevoir de l’aide. J’ai lu qu’ils auraient peut-être été empoisonnés par des conserves à bord des navires. J’ai donc toujours pensé que c’était un élément important de leur échec : ils étaient malades. Et il y avait eu plusieurs décès avant l’abandon des navires; la moitié des officiers étaient déjà morts.

4) Où sont les navires?

Le navire qui a sombré sur le côté ouest – je pense vraiment qu’un navire a sombré quelque part sur le côté ouest. Des morceaux d’épave qui proviendraient de l’expédition Franklin ont été découverts près de l’île de Finlayson, c'est-à-dire plus au sud. Je pense que ces îles sont en quelque sorte au-dessous de la baie de Cambridge. Lorsqu’ils [les morceaux] ont été rapportés en Angleterre, on a présumé qu’ils provenaient d’un navire de Franklin. Mais l’autre navire, le second, j’ai entendu dire qu’un navire avait contourné la pointe de l’île par le nord, l’île du Roi-Guillaume, et s’était retrouvé sur le côté est de l’île; et il y a des rumeurs depuis des années et des années à l’effet qu’un navire avait été aperçu à différents endroits sur le côté est près de la péninsule de Boothia. Selon ce que j’ai entendu, le dernier endroit spécifique où un navire aurait été vu se trouve dans la baie de Josephine à une trentaine de milles [50 km] au-dessus des îles Matty.

5) Comment le savez-vous?

Eh bien, je ne sais que ce qu’on me dit. J’ai enregistré les récits de personnes qui avaient des histoires à raconter et ce que j’ai appris vient de ces gens. Comme je l’ai mentionné, mon interprète était vraiment utile. Tommy Anguttitauruq. Il parlait un très bon anglais et il est le petit-fils de gens qui ont travaillé pour Rasmussen. Ses grands-parents ont travaillé pour Rasmussen. Certains des récits que j’ai entendus ont peut-être déjà été racontés à Rasmussen.

6) Pourquoi cela vous importe-t-il?

Eh bien, c’est un mystère. Je pense que c’est devenu quelque chose qui est absolument fascinant. Comment les navires les mieux équipés jamais envoyés dans le Nord à une époque où les Anglais pensaient qu’il ne restait plus grand-chose à découvrir – comment se fait-il qu’ils aient complètement disparu? C’est un mystère et on voudrait connaître la réponse.

7) Quelle est l’importance de la dernière expédition de Franklin?

Je pense que l’importance est liée au fait qu’à cette époque le Nord était un endroit extraordinairement difficile à explorer. Il n’y avait pas de réchauffement climatique et ils n’avaient aucun des moyens de communication que nous avons aujourd’hui.

Sunken ship