Un résumé de l’allocution de Schwatka à l’American Geographical Society (1882)

Le lecteur… sera heureux d’entendre ce qui a été dit par le lieutenant Schwatka, le commandant de l’expédition dont le succès est grandement dû à la prudence et à la détermination du lieutenant. Le 28 octobre il a été reçu et félicité publiquement par l’American Geographical Society et, en réponse à cette marque de reconnaissance, il a prononcé une allocution dont voici un résumé :

[...]

En suivant un tributaire de la rivière Back, qu’il a nommé rivière Hayes, ils sont arrivés, à environ quarante milles de son embouchure, à un petit village esquimau d’environ trente âmes, dont seulement deux avaient déjà vu un homme blanc. Le plus vieux a donné des renseignements très intéressants sur un kodloonah perdu, ou navire de l’homme blanc, qu’il avait lui-même visité une trentaine d’années plus tôt et qui était situé à huit milles franc ouest de la pointe Grant. Bien sûr, c’était un des navires de sir John Franklin qui avait dérivé le long du canal Victoria après avoir été abandonné au large de la pointe Victory de la terre du Roi-Guillaume. Le récit du vieil Esquimau va comme suit :

Il se souvenait du lieutenant Back qui avait exploré la rivière aux gros poissons en 1834 et il a minutieusement décrit leur rencontre aux rapides dangereux. L’homme blanc qu’il avait vu ensuite était mort, dans un gros navire huit milles au large de la pointe Grant. Le corps gisait dans une couchette dans la partie arrière du vaisseau qui avait "quatre gros bâtons", un qui était dirigé vers l’extérieur et les autres qui étaient debout. Une petite embarcation pendait du bossoir; ils l’ont enlevée de là. Trois ou quatre voiles étaient levées. Il y avait plusieurs tonneaux vides à bord. Un gros tas de poussière sur un côté de la porte de la cabine sur la neige montrait que la cabine avait été récemment déblayée. Sur la terre il y avait des traces d’hommes blancs qui avaient probablement chassé des chevreuils. Il a vu le navire au printemps, avant la tombée de la neige du printemps, et des traces dans la neige fraîche printanière de la même année, environ au temps des jeunes rennes (juin). Il n’a jamais vu les hommes blancs mais il pensait qu’ils avaient vécu dans le navire jusqu’à l’automne puis qu’ils étaient descendus à terre. Les autochtones ne savaient pas comment pénétrer dans le vaisseau, alors ils ont découpé une entrée par un côté; à l’été, lorsque la glace a fondu, l’eau y est entrée et le navire a coulé et seuls les mats étaient visibles au-dessus de la surface. Peu après cet évènement, ils ont trouvé une petite chaloupe à la baie de Wilmot; mais ils n’ont jamais vu de cairns ou de monuments érigés par les hommes blancs. Parmi les reliques de l’expédition de sir John Franklin recueillies par le lieutenant Schwatka, il y avait une petite planche, apparemment une planche de couchette qui avait déjà été une partie permanente de l’épave et qui avait été arrachée par les Esquimaux. Sur un côté il y avait les initiales "L. F.", façonnées avec la tête d’anciennes punaises en cuivre.

Poursuivant son récit, le lieutenant Schwatka a dit que le 31 mai il était arrivé à un gros village d’Esquimaux netchelliks dans la baie à l’ouest de la pointe Richardson où il y avait une centaine d’hommes, de femmes et d’enfants. L’information qu’ils lui ont donnée a prouvé sans l’ombre d’un doute la destruction totale des documents les plus importants de l’expédition de sir John Franklin à une pointe située à trois milles au nord-ouest et que le lieutenant Schwatka a nommée Starvation Cove. Là aussi, les Netchelliks avaient découvert une petite chaloupe sur sa quille, avec des squelettes tout autour; probablement la petite chaloupe dont avaient parlé le Dr Rae, sir Leopold McClintock et le capitaine Hall, qui avaient tous estimé que le nombre de corps se situait entre quarante et cinquante. Les Esquimaux, cependant, qui avaient été témoins de la triste scène, avaient réduit ce nombre entre six et dix.

Le passage suivant doit être pris à sa juste valeur, selon le jugement du lecteur :

"Le renseignement le plus important relié à l’endroit de cette chaloupe, qui est de toute évidence le point le plus éloigné atteint par un groupe d’hommes de Franklin en 1848, concerne une boîte en fer, scellée, d’environ deux pieds de long et environ un pied carré aux extrémités, qui a été ouverte par les autochtones qui y ont trouvé des livres et un petit morceau de fer auquel toutes les pièces de matériel identique adhéraient s’ils venaient en contact. La boîte de fer a été gardée par les Netchelliks et son contenu vidé sur le sol où il s’est lentement dégradé. Certains items ont été donnés aux enfants comme jouets. Dans cette boîte il y avait aussi une petite boîte contenant des ossements humains qui avaient été sciés pour en retirer la moelle, montrant ainsi qu’ils avaient été réduits à la condition la plus pénible et la plus terrible afin de prolonger leur vie. * Que des hommes dans une telle situation aient transporté un fardeau contenant un si grand nombre de livres et en aient pris si grand soin pour les préserver démontre une importance qui ne peut être attribuée qu’aux documents de l’expédition. Selon moi, à partir de la description qu’ils en ont donnée, il n’est pas improbable que le fer magnétisé ait été l’aiguille d’inclinaison avec laquelle le pôle nord magnétique avait été déterminé et, se retrouvant enclavés dans cette position, ils auront saisi cette occasion inhabituelle de circonscrire plus précisément ce problème que n’avait pu le faire Ross, son découvreur, lors de son voyage éclair par traîneau en 1831. Cet instrument aurait été une relique historique de grande valeur."

*Cela semble très improbable. Pourquoi les os auraient-ils été préservés dans une boîte en fer?

Illustrations des sources (15)

À propos de ce document

  • Auteur: Frederick Schwatka
  • Publication: The Search for Franklin: A Narrative of the American Expedition under Lieutenant Schwatka, 1878 to 1880
  • Publié par: T. Nelson et fils
  • Lieu: Edinburgh and New York
  • Date: 1882
  • Page(s): 97-111
Sunken ship