Sir John Richardson au Times ( 23 juin 1855 )

VOYAGES ARCTIQUES.

A L’EDITEUR DU TIMES

Monsieur, Dans l’article “Voyages arctiques” publié dans le Times de ce matin, il y a une omission à laquelle je vous prie de remédier afin de rendre justice aux équipages héroïques de l’Erebus et du Terror. Je fais allusion au fait que l’auteur, tout comme lord Palmerston et M. Mackinnon, a omis d’attribuer la découverte du passage du Nord-Ouest aux derniers membres d’équipages des navires de Franklin qui ont traversé le passage au printemps de 1850 exactement de la même manière, en voyageant sur la glace, que le groupe qui est parti du détroit du Prince-de-Galles et qui était envoyé par le capitaine McClure en octobre de la même année.

Les fragments d’équipements qui ont été poussés vers les îles Finlayson, au large de la baie de Cambridge, et y ont été trouvés par le capitaine Collinson, prouvent que la chaloupe tirée par 40 hommes déterminés, dont les os blanchissent près de l’embouchure de la rivière aux poissons [rivière Back], provenait des navires ou de leurs épaves qui gisaient dans une voie navigable reliée à la mer qui baigne le continent, quelque soit l’ampleur des glaces en dérive qui l’encombraient; on peut dorénavant attribuer la même origine à l’espar trouvé par le Dr Rae l’année précédente dans le même canal. Les courts extraits d’une lettre que m’a adressée sir John Franklin en janvier 1845 tendent à démontrer qu’il recherchait activement une entrée dans la ligne d’eau baignant les rives du continent : “Il n’y a que deux trajets que les navires pourraient emprunter avec succès – celui entre le cap Walker, la partie occidentale au nord de Somerset, et la terre de Bank, et l’autre par le canal Wellington. ... Tu seras bien sûr d’accord avec moi lorsque j’affirme que la liaison navigable le long de la côte de l’Amérique a déjà été prouvée lors de nos expéditions et de celles de Dease et Simpson. ... Mais il s’agit de découvrir comment un navire pourrait réussir à s’approcher de la côte, là où je soupçonne l’existence d’une voie navigable. ... Je ne suis pas encore prêt à renoncer à l’idée que la proximité de la terre est propice à l’ouverture des glaces; j’aimerais donc tenter d’approcher les navires de la côte où nous savons qu’il existe de petites voies, sinon une grande étendue d’eau.” …

Que Franklin, après son départ de l’île Beechey, ait dirigé ses navires vers l’est ou l’ouest du cap Walker sera peut-être établi par M. Anderson qui en ce moment, je l’espère, descend la rivière à poissons [rivière Back] pour trouver des documents écrits et d’autres reliques provenant des navires perdus; cependant je pense que toute personne impartiale ne peut douter du fait que la priorité de la découverte appartient à l’Erebus et au Terror, l’Investigator étant arrivé au moins six mois plus tard. Il faut toutefois faire l’éloge de la détermination intrépide et de l’habileté qui a permis à un navire de partir de l’est et de se rendre presque en vue du point le plus éloigné où était arrivé Parry, éloge que mérite le capitaine McClure; comme ses braves prédécesseurs ne sont plus là pour recevoir les récompenses que le pays est toujours prêt à accorder, la gratitude nationale ne pourrait être exprimée plus dignement qu’en accordant la récompense à ce dernier et à l’équipage qui l’a si bien soutenu.

Le capitaine Collinson mérite le titre de “troisième” découvreur du passage du Nord-Ouest, ayant réalisé un exploit similaire à celui de McClure en empruntant, à une date ultérieure, un canal plus au sud; heureusement, il a pu en extirper son navire et n’a donc pas eu à sauver ses hommes en faisant le voyage sur la glace.

Je demeure, monsieur, votre humble serviteur

JOHN RICHARDSON

Lanerigg, Grasmere, 21 juin.

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À propos de ce document

  • Auteur: Sir John Richardson
  • Publication: The Times (London, U.K.)
  • Date: 23 juin 1855
  • Page(s): 5
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