Lettre du lieutenant Irving à sa belle-sœur (1845)

HMS « Terror »

Woolwich, 18 avril 1845

MA CHÈRE KATIE, - Je vous remercie de votre gentille lettre du 11 à laquelle j’aurais répondu avant; mais je ne l’ai pas reçue à cause d’un de nos hommes qui l’a gardée en sa possession pendant deux jours au lieu de m’informer de son arrivée. Comme vous le dites, ma visite fut une de mes plus courtes, mais cela valait mieux que rien du tout. Je peux vous assurer que je n’ai pas ressenti de plus vif chagrin de me séparer de quiconque que de vous; pour une raison ou une autre, dès que nous nous sommes rencontrés, vous et moi avons semblé nous comprendre merveilleusement bien. Je suis revenu ici lundi matin prendre le déjeuner et j’ai vaqué à mes occupations coutumières. Avec les mâts et le gréement en place, nous donnons l’impression d’être prêts à prendre la mer et nous rangeons maintenant tout le matériel, le fourrage, etc. etc., pour consommation au cours des deux prochaines années. Ils parlent de lever l’ancre le 1er mai, mais j’ai le sentiment que cela sera retardé de plusieurs jours. Comme vous me faites remarquer, il y aura une longue pause dans notre correspondance. Quoi qu’il en soit, j’espère qu’à notre prochaine rencontre, nous n’aurons pas à nous quitter si rapidement… Quoi qu’il arrive, ce sera la volonté de Dieu.

J’espère que vous ne me croyez pas assez faible pour cultiver les mauvais pressentiments; mais rappelez-vous que ceci n’est pas un voyage ordinaire et qu’il est très difficile de prévoir ce qui peut se passer en deux ans; c’est long même pour les personnes les plus en santé et les moins exposées aux risques. Seulement la moitié de l’ancien équipage de sir John Franklin est revenu avec lui; et notre « Terror » du voyage avec le capitaine Back fut si brisée par les glaces qu’elle n’aurait pu rester à flot un autre jour à son arrivée à Lough Swilly. Deux ans sans nouvelles c’est long et peut-être serons-nous même partis trois ans. Ne perdez pas espoir si vous n’avez aucune nouvelle. Mais maintenant je vais changer de sujet pour le reste de ma lettre et vous dire que je suis très optimiste par rapport au succès de notre expédition. Tout a été fait selon les derniers perfectionnements des diverses disciplines reliées aux questions nautiques; et toutes les précautions contre le climat ont été prises pour la santé et le confort des équipages; pour le reste nous devons nous remettre entre les mains de notre Créateur et, ce qui est plus important, y mettre nos espoirs. S’il Lui plaît de nous permettre de revenir pour cueillir les fruits de nos labeurs, j’ai confiance que plus graves auront été les dangers encourus, plus nous pourrons alors démontrer de gratitude pour la Main protectrice sans qui, après tout, notre talent et nos instruments et nos inventions ne servent à rien.

J’avais l’intention de vous écrire quelque chose d’amusant, mais je ne peux m’empêcher d’être sérieux. Tout ce qui m’entoure et toutes les tâches que je dois accomplir ont tendance à me rendre ainsi; je veux dire que tout me rappelle si ardemment le sentiment d’une longue séparation des personnes qui me sont chères. Même écrire me rappelle que pendant un moment terriblement long je ne pourrai que vivre l’incertitude, sans espérance aucune de recevoir des nouvelles, bonnes ou mauvaises. Alors, ma chère Katie, ne me blâmez pas si, alors que vous lisez tout ce gribouillage, vous aurez été obligée de bannir vos sourires habituels. Je vous écrirai une autre fois, je ne vous fais donc pas mes adieux formels à ce moment. Mon amour le plus fraternel à mon cher Lewis. Avec toute mon affection

JOHN IRVING

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Illustrations des sources (3)

À propos de ce document

  • Auteur: John Irving
  • Destinataire: Katie
  • Publication: Lieut. John Irving, R.N of HMS "Terror" in Sir John Franklin's Last Expedition to the Arctic Regions: A Memorial Sketch with Letters
  • Publié par: David Douglas
  • Lieu: Edimbourg
  • Date: 1845
  • Page(s): 114-116
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