E.J.H. sur les rapports du Dr. Rae sur l’expédition arctique ( 30 octobre 1854 )

A L’EDITEUR DU TIMES

Monsieur, mes idées vont un peu plus loin que celles que vous exprimez sur le rapport du Dr. Rae, mais j’espère que vous permettrez que cette lettre soit publiée dans votre journal, si ce n’est que pour susciter les réactions d’autres personnes sur un sujet qui m’intéresse particulièrement – ayant eu un frère à bord du navire de Sa Majesté Terror.

Je pense que le Dr. Rae a commis une faute grave en ne vérifiant pas le rapport qu’il a reçu des Esquimaux ou, si cela était absolument impossible, en publiant les détails de ce rapport alors qu’ils sont basés sur des faits très minces ou insatisfaisants. Il aurait mieux fait de garder le silence plutôt que de nous faire un récit qui, tout en causant une grande souffrance à plusieurs personnes, demeure incomplet pour chacun de nous.

Je ne dirai rien des difficultés dont vous avez parlé dans votre article de jeudi, mais il y en a d’autres qui me semblent si manifestes que je ne peux que m’étonner que le Dr. Rae n’y ait pas pensé lui-même.

1. Là où les Esquimaux peuvent vivre et là où le groupe du Dr. Rae a trouvé des moyens abondants, qu’est-ce qui aurait pu empêcher sir John Franklin et son groupe de subsister?

2. Lorsqu’ils ont été forcés, car sans aucun doute ils ont été forcés, d’abandonner leurs navires, est-ce que quelqu’un peut croire qu’ils se seraient encombrés de fourchettes, de cuillères et de plateaux en argent au lieu d’utiliser chaque espace pour des provisions et des articles absolument nécessaires à leur subsistance?

3. En supposant qu’ils soient morts de faim, est-il probable qu’un grand nombre d’hommes aurait péri ensemble? N'auraient-ils pas renoncé un à un, chacun luttant aussi longtemps que possible avec l’espoir de trouver des provisions ou de rencontrer un groupe venu à leur secours?

Pour ma part, j’ai depuis longtemps abandonné tout espoir de revoir mon frère dans ce monde. Mais plusieurs se raccrochent à l’espoir de revoir les membres de leurs familles. Personnellement, je crois que les navires ont été abandonnés puis pillés par les Esquimaux. Il me reste à me convaincre que je ne suis pas obligé de croire les détails douloureux que le Dr. Rae a publiés de façon injustifiable. Mais d’autres croient que les équipages pourraient encore être en vie quelque part et jusqu’à ce que le rapport du Dr. Rae ait été vérifié, ils ne changeront pas d’idée malgré tout ce qu’il a dit. Je joins ma carte et demeure, monsieur,

votre humble serviteur

E.J.H.

26 oct.

À propos de ce document

  • Auteur: E.J.H.
  • Publication: The Times (London)
  • Date: 30 octobre 1854
  • Notes: Lettre à l’éditeur du Times par un correspondant qui se dit un des frères de Francis Crozier et qui est en désaccord avec le Dr. John Rae. Page 10.
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