Sir John Barrow [à propos du secours à apporter à l’expédition Franklin] ( juillet 1847 )

L’Erebus et le Terror

Juillet 1847

L’inquiétude qui règne au sujet de sir John Franklin et des vaillants compagnons qui forment les équipages des deux navires est très naturelle, mais quelque peu prématurée; elle provient principalement du fait que nous n’avons aucune nouvelle d’eux depuis qu’ils ont été pris dans les glaces de la baie de Baffin où le dernier baleinier de la saison 1845 les a laissés en face de l’ouverture du détroit de Lancaster. Il n’y a jamais eu à ce jour de difficultés à entrer dans ce détroit. Si cela s’est avéré impossible, je serais enclin à penser que, plutôt que de revenir au sud dans le but d’hiverner à Disco ou dans les environs, ils auront plutôt tenté de pénétrer le détroit de Smith dont Baffin a dit beaucoup de bien et qui tout dernièrement a été mentionné par le vaillant et aventureux amiral russe Ferd. Wrangel dans un article pour la Royal Geographical Society où il en parlait comme étant l’endroit d’où partir pour tenter de se rendre au pôle Nord; cette crique se rendrait loin vers le nord, car comme l’affirmait un officier d’un des navires de Parry, il a vu le soleil de minuit glisser sur l’horizon dans la direction longeant cette crique.

Du détroit de Lancaster, les directives données à Franklin lui enjoignaient de se rendre au détroit de Barrow aussi loin que se rendait l’île sur le côté méridional, qui est tout près de l’île Melville et qui doit être évitée non seulement à cause de la côte qui y est dangereuse mais aussi parce qu’elle n’est pas située dans la direction désirée pour atteindre l’objectif. S’étant ainsi rendu à la dernière île sur le côté méridional du détroit de Barrow, il devait déterminer le trajet qui les mènerait directement au détroit de Béring sans dévier sauf si ce chemin était obstrué par des glaces ou des îles dans la mer polaire qui, à l’époque, nous étaient inconnues; dans l’éventualité où il y aurait de tels obstacles, ce serait bien sûr à eux de juger sur place comment contourner un tel obstacle en se dirigeant vers le nord ou le sud; une chose est certaine – ils n’ont pas traversé le détroit de Béring la saison dernière; et au cours de la présente saison, ils l’auraient fait en septembre ou octobre et nous n’en saurons rien avant février ou mars. Il n’y a donc encore aucune raison de s’en faire pour leur sécurité; mais si aucune nouvelle ne nous parvient au cours de ces deux mois, l’Amirauté prendra sans aucun doute toutes les mesures nécessaires pour s’enquérir de leur sort.

La difficulté est de déterminer comment et où faire une telle recherche : s’ils ont suivi leurs directives, la côte de la mer polaire et ses deux entrées sont les points les plus évidents; et au printemps, lorsque Lord Auckland a consulté sir Ed. Parry et moi-même à ce sujet, nous étions d’avis que la première étape serait de déterminer si un navire était passé par les deux entrées de la mer polaire et de tenter de vérifier si des Esquimaux ou des Indiens avaient vu ou entendu parler de tels vaisseaux et, si oui, comment, quand et où; de plus, nous recommandions de demander aux baleiniers sur place de poser le plus de questions possible à leur sujet.

Quant à la côte de l’Amérique du N., je pense qu’il est inutile d’y faire des recherches. Les postes de la Compagnie de la Baie d’Hudson sont si près de la côte et ils ont de nombreux contacts avec les Indiens ou les Esquimaux et, du reste, sir John Franklin doit avoir des souvenirs si pénibles de cette côte qu’il commencera par l’éviter et, s’il y est forcé, il la quittera sans perdre de temps.

La côte septentrionale de la mer polaire est aussi habitée, même la Sibérie, et je suis presque certain que s’ils y étaient, le gouvernement russe le saurait et aurait communiqué la nouvelle à l’Angleterre. La seule possibilité qui les aurait menés à cette côte serait une quelconque obstruction qui les aurait amenés à explorer une crique immense située sur la côte septentrionale du détroit de Barrow (avant l’île Melville) nommée canal Wellington que Parry voulait explorer; d’ailleurs plus d’un membre de l’expédition m’avait fait part d’un tel désir, que j’avais découragé, car personne ne pouvait même suggérer jusqu’où elle se rend ou quelles difficultés elle pouvait réserver.

Dans ces circonstances ce serait pure folie d’émettre une opinion quant à l’état, la condition ou la position de ces deux navires; ils sont bien équipés pour atteindre leur objectif et la seule crainte que j’ai est que les hélices soient prises dans les glaces.

Illustrations des sources (3)

À propos de ce document

  • Auteur: John Barrow
  • Archive: National Archives, Kew, United Kingdom
  • Collection: Admiralty 7/187 Admiralty: Miscellanea. Arctic and Antarctic explorations. Documents relating to Arctic Expeditions
  • Date: juillet 1847
  • Page(s): 1-3
Sunken ship