Lettre en provenance d’Elginfield.

ELGINFIELD, 23 avril 1881.
Au rédacteur en chef de l'Irish Canadian.

MONSIEUR – Dans votre dernier numéro, j’ai remarqué une communication signée « Veritas », en réponse à la mienne parue le 28 dernier, dans laquelle il s’efforce de démontrer que je suis coupable d’avoir en quelque sorte joué double jeu dans l’affaire. Si je puis me permettre, je n’ai pas l’intention d’entamer une discussion à travers les journaux avec « Veritas » à ce sujet; mais, avec votre permission, je désire faire quelques remarques sur la principale accusation qu’il porte contre moi.

[...] Quand j’ai utilisé le mot « faction » c’était seulement pour éviter la tautologie; ce n’était pas destiné, comme mon ami « Veritas » l’insinuait, à donner l’impression qu’il y a eu parmi nous une importation de « Terryalt », de « Cummin et Daragh », de « Corcoran et Feehan », de « Black Feet » et de « White Feet », d’« Oranges et Verts », etc. Loin de moi l’idée de donner cette impression; mais « Veritas » tentera-t-il de nier qu’il y avait deux parties adverses parmi nous – l’une prônant le respect de la loi de la terre et l’autre, la violant de multiples façons?

Permettez-moi de demander à « Veritas » dans quel but le Comité de vigilance a été fondé? – pourquoi s’est-t-il autant démené nuit après nuit pour surveiller les demeures d’honnêtes citoyens? Était-ce contre les tonnerres de Jupiter, contre les commandements d’une divine Providence, ou contre une faction criminelle formée de différentes sectes et religions? La dernière option fait écho d’un bout à l’autre du village – « contre une faction criminelle ». À mon avis, cette explication, avec un autre extrait de la lettre de « Veritas » où il écrit : « D’ici-là, sachez que le premier jour de février 1880, la bande de voleurs, incendiaires, meurtriers, etc. de Biddulph étaient au nombre de vingt-cinq, sans compter leurs complices et amis, que leur quartier général se trouvait sur la Roman Line, avec des bandes à Lucan et Clandeboye » – à mon avis, donc, cet aveu de la part de « Veritas » appuie parfaitement mon affirmation, qu’il y avait deux parties adverses, et que je n’avais aucune mauvaise intention en publiant ce fait, même si « Veritas » taxe mon article de « mensonge malveillant ». Sur ce point, je laisse vos lecteurs juger qui de nous deux dit vrai.

Mais pourquoi « Veritas » base-t-il son opinion sur la question de religion? Je ne vois absolument pas, à moins que ce ne soit pour s’assurer votre compassion au nom de gens que vous avez toujours noblement soutenus. Mais dans le cas présent, je ne peux voir la nécessité d’une telle stratégie. Je suis certain que je n’ai pas fait la moindre allusion à quelque catégorie que ce soit, ni nationale, ni politique, ni confessionnelle; car, comme je l’ai souligné plus haut, les parties adverses d’un groupe, si ce qu’on en dit est vrai, provenaient de ces trois catégories – c.-à-d. nationalités, politiques et croyances. Et comme cela était bien connu dans notre communauté, il peut effectivement sembler malveillant que j’aie fait référence à mes amis catholiques, sachant quel était le sentiment général à leur égard.

Tandis que nous soulevons la question, permettez-moi de faire quelques remarques qui inciteront peut-être « Veritas » à adopter une position plus indulgente. Le fait que certains membres de notre communauté aient traversé une rude épreuve alors qu’ils étaient incarcérés sous une accusation dont la loi les a innocentés est maintenant passé à l’histoire. Il est aussi devenu évident que, afin de payer une partie des lourds frais de leur défense, un appel a été lancé aux municipalités environnantes pour qu’elles les aident à s’acquitter de leur dette. J’aimerais demander à « Veritas », la question de religion a-t-elle jamais effleuré l’esprit de ceux qui ont contribué à ce fonds? A-t-elle effleuré l’esprit de toutes les confessions protestantes qui ont exprimé leur sincère compassion aux hommes pendant leur longue incarcération et durant la terrible épreuve qu’a été leur procès? Je réponds que non. Je dirai même plus, quand est venu le temps de cet important exercice, sur une population de plus de 1000 âmes à Lucan, dont seulement environ un dixième sont catholiques, les gens sollicitant l’aide financière n’ont rencontré que deux refus – et je tiens de source sûre que l’un d’eux était catholique. Quel peut alors être l’objectif de « Veritas » en insistant sur ce thème sectaire? Peut-il nommer un seul exemple dans l’histoire de Biddulph où cette question a troublé la paix et l’harmonie existant dans la communauté entre catholiques et protestants? Malgré tous nos torts, et nous reconnaissons notre part, je sais ne pas me tromper en affirmant que la question du sectarisme n’a jamais dérangé les relations paisibles d’homme à homme, quelles que soient leurs croyances. Pourquoi alors s’acharner sur les catholiques de Biddulph sans la moindre raison?

[...] Et maintenant, mon cher Monsieur, comme « Veritas » est jaloux que j’adopte son ancien nom de plume « Zoulou », je conclurai cette épître plutôt longue en signant moi-même bien à vous, BOER.

Source: Unknown, "Letter from Elginfield," Irish Canadian, avril 28, 1881.

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