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Mémoire du roi au gouverneur de Beauharnois et à l’intendant Hocquart, 19 avril 1729.

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Mémoire du Roy

aux Sieurs Marquis de Beauharnois Gouverneur et Lieutenant general et hocquart Commisaire general de la Marine ordonnateur en la Nouvelle France.

Sa Majesté

s’est fait rendre Compte de ce que les Sieurs Marquis de Beauharnois et daigremont ont écrit l’année derniere Sur les affaires de la Colonie, Avant d’y repondre Elle est bien aise d’expliquer aux Sieurs Marquis de Beauharnois et hocquart qu’estimant necessaire au bien de son Service, a la tranquilité des habitans et a l’augmentation de la Colonie qu'ils vivent en bonne union et intelligence ensemble. Elle ne peut trop leur recommander d’y aporter reciproquement leur attention.

Les differents Sentimens qu’ils pourroient avoir par raport aux affaires confinées a leurs Soins ne doivent point causer d’alteration a cette union, et lorsqu’ils ne Seront pas du mesme avis, Sa Majesté veut qu’ils S’expliquent entr’eux Sans aigreur ny passion et quand ils ne pourront point convenir ils luy rendront compte en commun ou Separement de leurs raisons Sur lesquelles Elle leur Envoyera Ses ordres.

Le meilleur moyen de conserver l’union et la bonne intelligence entr’eux, c'est d’Eviter d’Entreprendre Sur leurs fonctions particulieres et ne rien faire l’un sans l’autre dans celles qui leur Sont communes, Il y a bien des personnes dans la Colonie qui par des Interests particuliers, ou dans la Vüe de mettre la division

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Entr’eux chercheront a les persuader que leur Authorité est plus grande qu’elle n’est en effet, qu'ils peuvent agir Seuls dans les affaires qui les regardent en commun ou que l’un d’eux peut Se Mesler, en Se Servant d’un pretexte Specieux de celles qui ne le regardent point, c'est contre ces gens la qu'ils doivent estre en garde, il ne faut point qu’ils croyent augmenter leur autorité en sortant de la regle, la Veritable autorité consiste a faire ce que l’on doit, et quand on passe ces bornes ce n’est plus une autorité legitime.

Pour quils Se renferment l’un et l’autre dans leurs fonctions Sa Majesté a jugé necessaire de leur expliquer celles qui les regardent chacun en particulier et celles qui leur Sont communes.

Tout ce qui regarde le Militaire et la dignité du Gouvernement apartient au Gouverneur et Lieutenant general, c’est a luy a donner les ordres aux Trouppes et aux Milices et avoir attention que les unes et les autres Soient bien disciplinées pour Servir utilement en cas d’occasion.

Pour cet effet il doit Souvent Se faire rendre compte par leurs officiers de l’Etat de leurs trouppes et entrer mesme avec eux dans des details qui leur fassent connoistre combien il a a coeur qu'il y Soit observé une exacte discipline, l’Intention de Sa Majesté est qu'il Empesche les officiers de faire injustice a leurs Soldats en leur retirant leurs Vivres et leur Solde dans de certains cas, les officiers ne Se portent

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a de pareilles Vexations que quand on les tolère et ils ne tomberont point dans le cas lorsque le Sieur Marquis de Beauharnois punira l’officier, outre la restitution que le Sieur hocquart luy fera faire de ce qu'il aura pris au soldat.

Il doit par raport aux Milices avoir attention quil n’y ait aucun habitan domestique ou Ouvrier qui ny Soit compris et S’il Se trouve des gentilhommes qui ne Veüillent point y prendre des places d’officiers, il faut qu'ils y Servent comme Soldats.

Les huissiers doivent y Servir Excepté les huissiers audianciers du Conseil Superieur et des jurisdictions les autres n’ont aucun Titre pour S’en Exempter Et il ne doit y avoir d’Exempter que les officiers pourveus des Commissions et Brevets de Sa Majesté, Ces Milices doivent faire une partie de l’application du Sieur Marquis de Beauharnois.

Les Concessions des terres regardent en commun les Sieurs de Beauharnois et hocquart, a l’egard des contestations par raport aux limites, Etendue, positions et réunion desdites Concessions ils doivent Scavoir que le feu Roy a rendu le Six Juillet mil Sept cent onze deux arrests Enregistrés au greffe du Conseil Superieur de Quebec, l’un regarde les terres concédées par Sa Majesté en Seigneuries lesquelles dans le cas de la reunion doivent l’estre au domaine de Sa Majesté

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et regardent en commun lesdits Sieurs de Beauharnois et hocquart, l’autre concerne les concessions faites aux particuliers dans l’Etendue des Seigneuries concédées par Sa Majesté lesquelles dans le cas de la reunion doivent l’estre au domaine desd Seigneurs et regarde le Sieur hocquart Seul. quant a tous les autres proces qui peuvent Survenir Soit pour raison de partage ou autrement ils regardent la justice ordinaire et ils ne doivent point S’en mesler, il convient Seulement que le Sieur hocquart ordonne aux Juges de rendre bonne et Brieve justice S’il est informé quils ne fassent pas leur devoir.

La Police generalle regarde en commûn les Sieurs de Beauharnois et hocquart, a l’egard de la Police particuliere c'est a la justice ordinaire a la faire et au Sieur hocquart d’obliger les Juges qui y Sont proposez d’y donner leurs Soins et leurs attentions.

Les Sieurs de Beauharnois et hocquart doivent les leurs a des objets plus importants, tels que Sont l’augmentation des habitans, des Cultures et du Commerce.

Le Sieur de Beauharnois y parviendra en traittant les peuples avec douceur et humanité, en Empeschant qu'il ne leur Soit fait aucune vexation ny mauvais traittement par les officiers Majors et ceux des Milices qui commanderont dans les Costes et en

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tenant la main que ces officiers n’Exigent point des Negociants et habitans leurs marchandises et denrées a meilleur marché que les autres.

Le Sieur hocquart y parviendra de Son costé en traittant avec douceur et bonté les habitans en Entrant dans leurs besoins et leur facilitant leur Etablissement en Empeschant que le petit habitant ne Soit vexé par le puissant, en Empeschant aussy que les officiers de Justice ne Se Servent de leur pouvoir pour Se dispenser de payer leurs dettes et de vexer leurs voisins en tenant la main que les juges rendent bonne et brieve justice et en la rendant luy mesme le plus Sommairement qu'il Se pourra aux facteurs de France qui auront vendu dans la Colonie les Cargaisons des Vaisseaux dont ils Seront chargez.

L’administration de la justice regarde particulierement le Sieur hocquart c'est a luy a faire appeller les Causes, de recüeillir les voix, a prononcer les arrests, a Indiquer [réunir] les Conseils Extraordinaires, et lorsqu'il croira necessaire d’en tenir, il aura Soin d’en faire avertir le Sieur Marquis de Beauharnois par le premier huissier.

Sa Majesté Souhaitte que la justice Soit fidelement administrée et Elle ordonne aux Sieurs de Beauharnois et hocquart de luy rendre compte des officiers de justice qui ne Se conduiront pas Suivant Ses intentions

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et de proposer conjointement d’autres Sujets a leur place, aussy bien qu’aux employs de judicature qui pourront vacquer.

Elle leur recommande de laisser un libre cours a la justice et en particulier au Sieur Marquis de Beauharnois de ne Se point mesler des affaires qui regarderont la justice ordinaire, Elle veut Seulement qu'il fasse donner main forte quand il en Sera requis pour l’execution des jugements, pour cet effet il detachera un Sergent des troupes et quelques Soldats pour accompagner les huissiers; a l’egard de Ses gardes, ils ne doivent point Estre employez a cet usage ny aller chez les habitans en qualité d’huissiers, ils ne Sont Etablis que pour faire respecter l’autorité de Sa Majesté en la personne du Gouverneur et ne doivent Estre employez que contre ceux qui auront manqué a l’obeissance qu'ils doivent par raport au Service de Sa Majesté et dans les affaires du point d’honneur dont le Sieur Marquis de Beauharnois est juge et Se conformera dans ces Sortes d'affaires aux Reglements rendus Sur ce Sujet.

Sa Majesté veut que les arrests du Conseil Superieur Soient Executez conformement aux loix et que les Conseillers ayent une entiere liberté dans leurs Suffrages, mais ce Conseil ne doit Se mesler ny directement ny indirectement de ce qui regarde le Gouvernement. Sa Majesté luy a communiqué une partie de Son autorité pour rendre la justice

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a Ses Sujets, c'est a quoi ceux qui le composent doivent S’apliquer et en faire toute leur attention. [...]

Source: France. Archives nationales, Fonds des Colonies. Série C11A. Correspondance générale, Canada, vol. 125, fol. 432-435, Roi de France, Mémoire au gouverneur de Beauharnois et à l’intendant Hocquart, 19 avril 1729.

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